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 RESPECT ET VERITE
Ch.28: France vs Europe et monde

28 : France vs Europe et monde

Quidam :
La question de la relation au reste de l'Union Européenne et du monde est effectivement primordiale. La France a-t-elle réellement la possibilité de mener seule dans son coin des réformes aussi fondamentales ?

PG :
La plupart des réformes politiques et sociales que je propose peuvent se faire sans bousculer outre mesure le fonctionnement Européen. Même si le simple fait d'exiger que des étrangers s'installant en France parlent français est déjà une restriction au droit de libre résidence et travail des citoyens de l'Union au sein des pays membres. Mais d'autres pays se posent les mêmes questions, comme les Pays-Bas par exemple. Car ce n'est que du bon sens. A défaut d'adopter une langue Européenne commune qui soit enseignée obligatoirement dans tous les pays de l'Union, en complément de la langue nationale, pour être utilisable dans toutes les démarches de la vie courante, exiger que des gens voulant habiter et travailler dans un pays puissent y communiquer n'a vraiment rien d'une exigence exagérée. C'est le minimum nécessaire pour permettre une intégration, même si ce n'est pas suffisant pour la garantir. Condition nécessaire mais pas suffisante, diraient les mathématiciens.
Par contre, tout le volet des réformes monétaires, financières, voire économiques, particulièrement pour la partie douanière, est plus délicat. Les partenaires européens ne pourront voir que d'un très bon oeil qu'un pays membre se réforme pour dynamiser son économie et chasser ses déficits. Mais pour ce qui est de changer le fonctionnement monétaire, donc de l'Euro, de la BCE et du système bancaire européen, ce n'est possible que tous ensemble, ou seul mais en sortant de l'Euro. Seul au sein de l'Euro, c'est impossible… ou du moins considérablement plus compliqué. Alors soit nous nous donnons les moyens d'être patients, très patients, en nous efforçant de promouvoir ces idées auprès des autres pays membres jusqu'à ce que collectivement soit décidée cette réforme majeure, soit la France se retire de l'Euro et suit son chemin, montrant un exemple qui finira par être suivi par d'autres pays, qu'ils soient européens ou non. Tous les pays de l'Union Européenne n'ont pas adopté l'Euro. Abandonner cette monnaie pour mettre en place un système monétaire différent n'implique donc pas de tourner le dos à l'UE.

Quidam :
Je doute que la défection d'un membre fondateur tant de l'Union que de l'Euro ne soit sans conséquence sur cette monnaie. Ce serait un peu un tremblement de terre à l'échelle du continent, voire de la finance mondiale. De quoi donner du grain à moudre aux spéculateurs.

PG :
Ca ne passerait certainement pas inaperçu, mais n'exagérons pas notre importance non plus. D'ailleurs, l'Euro a été prévu dès le départ en prenant en considération cette éventualité. Si bien que les pièces et billets émis par les banques centrales de chaque pays sont différenciés, par une face spécifique pour les pièces et par la lettre précédent le numéro de série pour les billets, le U en l'occurrence pour la France, permettant donc de distinguer la monnaie fiduciaire en fonction de son pays émetteur. La séparation est donc chose aisée techniquement, même si cela ne présage en rien de la réaction des marchés dans un sens ou dans l'autre.
Après, à nous de savoir ce que nous voulons. Car comme pour toute chose, il y a une question de volonté. Si nous ne sommes pas satisfaits de notre fonctionnement social et que la règlementation européenne est un obstacle à le faire évoluer, alors il faudra un gros travail de communication avec nos partenaires de l'Union. Toutefois si ça ne suffit pas, le cas le plus extrême ne peut être exclu et il faut être prêt, s'il faut en passer par là pour renouveler notre société, à prendre quelque distance avec l'UE. Peut- être partiellement, peut-être temporairement, peut-être totalement et définitivement. Ca dépendra de la réaction des autres pays de l'Union. Mais si c'est le prix à payer pour qu'advienne le renouveau dont les français ont besoin, alors nos partenaires européens devront le comprendre et chacun poursuivra son chemin respectif selon ses convictions. Avant que ceux-ci ne se rejoignent très vraisemblablement à nouveau un peu plus loin.
Car la construction européenne est logique. Les Etats-Unis d'Amérique se sont constitués progressivement, passant d'états qui se querellaient entre eux, à des accords douaniers et commerciaux, jusqu'à la mise en commun d'un certain nombre de fonctions comme la défense au sein d'un état fédéral. Mais il est clair que ce qui les a soudés et permis qu'ils demeurent ensemble, c'est le fait d'avoir une langue commune servant de creuset d'intégration pour tous ces immigrants d'horizons très divers. L'anglais ne s'est d'ailleurs imposé dans cette fonction qu'au cours d'un vote au parlement, au tout début du 20ème siècle, où il n'a été choisi que d'un cheveu devant l'allemand. Gageons que l'histoire du monde aurait été considérablement différente si ça avait été l'inverse… Toujours est-il que, parce que l'Union Européenne a vocation à évoluer similairement vers une structure fédérale, le jour viendra nécessairement où elle devra également faire un tel choix linguistique. Et ce sera un moment très compliqué mais essentiel. Les querelles linguistiques belges ne sont qu'un petit aperçu des difficultés sous-jacentes qui nous attendent sur cette question.

Quidam :
Le Français, de par son rayonnement international, serait en bonne position pour être cette langue commune.

PG :
Surtout si on se décidait à en simplifier un peu l'orthographe et la grammaire pour en finir avec des listes d'exceptions genre des chevaux mais des festivals, avec les lettres inutilement doublées, reliquats d'une époque où les moines copistes étaient payés au nombre de caractères, ainsi qu'avec divers autres snobismes linguistiques. Ca n'apporte rien à la communication, mais rend la langue plus complexe, donnant aux lettrés matière à se moquer de ceux qui le sont moins. Il y a bien eu dans ce domaine la timide rectification orthographique de 1990, dont la plupart des gens n'ont même pas entendu parler et qui d'ailleurs ne fait référence que depuis 2008, mais elle ne s'est pas attaquée aux multiples pièges et exceptions de notre grammaire. Pourtant, une langue française un peu plus abordable à ce niveau contribuerait encore plus au rayonnement de la culture française chère à tant de français, ainsi qu'à celui des autres cultures francophones. Car l'objectif d'une langue est d'ouvrir et de rassembler, pas d'exclure et de diviser. N'en déplaise aux adeptes des langues régionales qui ne peuvent s'envisager qu'en complément des langues nationale et internationale, donc au mieux en troisième langue.
Mais si vous retenez le rayonnement mondial comme critère, l'Anglais est un candidat très sérieux, car c'est déjà de facto la langue internationale. Si je devais voter aujourd'hui sur cette question, compte tenu de cet état de fait et malgré les nombreuses critiques qu'on peut lui adresser d'un point de vue linguisitique, ce serait mon choix. Parce que c'est le choix de favoriser l'intégration mondiale et le rapprochement des peuples. Cela permettrait peut-être même que l'ancien monde ne gagne un peu en poids culturel mondial pour davantage calmer les excès du nouveau. La sagesse de l'âge fonctionne aussi en partie au niveau des consciences collectives que représentent les diverses sociétés du globe.
Mais l'anglais n'est pas le seul concurrent. L'espagnol est aussi une langue très répandue de par le monde, notamment dans toute l'Amérique Latine. Et puis, il y a l'Allemand, qui est la langue majoritaire de l'Union et, qui plus est, celle de son économie majeure. Mais son rayonnement international limité est un exemple parlant du frein que peut représenter une grammaire complexe… Nos académiciens devraient y réfléchir. Ce qu'on fait d'ailleurs les inventeurs de l'Esperanto, langue facile, du moins pour ceux qui parlent déjà des langues latines, et dont la grammaire ne comporte pas d'exception. Elle comporte à la fois l'avantage et l'inconvénient de n'être parlée par personne. La choisir ne favoriserait donc aucun pays, mais par contre, on partirait de presque rien, pire encore que de ressusciter une langue morte. Ce serait donc assez artificiel au début, mais possible.
Bref, en résumé, ne vous emballez pas car il est facile mais trompeur de ne voir midi qu'à sa porte. Il y a de la concurrence. Pourtant, il faudra que les Européens se posent la question s'ils ne veulent pas un jour devoir choisir entre le Chinois ou l'Arabe qui s'imposent de plus en plus au niveau mondial tout en bénéficiant d'une forte influence sur notre continent de par l'immigration autant que la finance et l'économie.

Quidam :
Mentionner l'arabe est à propos, car vous parlez de l'intégration de la France dans l'Europe comme d'une évidence. Mais de par son histoire, la France a aussi de forts liens avec l'autre rive de la Méditerranée, l'Afrique du Nord. Et au-delà, avec l'Afrique subsaharienne francophone. N'y a-t-il pas là aussi un axe d'intégration international à favoriser ?

PG :
En un mot : non. D'abord parce que ça ferait une dérive des continents un peu trop marquée à mon sens. Et ensuite parce que courir deux chevaux à la fois, européen et africain, ne serait guère constructif, aucun n'y trouvant pleinement son compte, à commencer par nous. Car pour qu'une relation dure, il faut qu'elle fonctionne dans les deux sens.
Il est certes toujours favorable de perpétrer des traditions d'amitié avec les pays avec lesquels elles existent, puisqu'il est souhaitable d'avoir de telles relations avec tous les peuples du monde. Mais jusqu'à quel point cela s'applique-t-il à tous ces pays d'Afrique du Nord et de l'Ouest ? Est-ce une relation d'amitié ou d'intérêt qu'ils entretiennent avec nous ? Forcément, il y a un panachage des deux avec des dosages différents d'un pays à l'autre. Mais dans le cas de certains, il y a nettement plus du second que du premier. Et alors la relation est essentiellement à sens unique, pour obtenir des aides, sans même offrir du respect en retour. Ceux qui ont mis les colons dehors, ruiné ce qui avait été construit, pour ensuite se plaindre de leur misère aggravée par leur irresponsabilité démographique et vouloir émigrer chez nous, mais tout en se permettant en plus de nous cracher dessus et de demander des excuses pour les injustices du passé colonial, franchement, avec ceux-là, quels liens peut-on raisonnablement espérer entretenir ? Du sado-maso ? Merci, mais je passe mon tour.
Le colonialisme n'avait certes pas que des bons côtés, mais il n'était sûrement pas tout négatif non plus. Les blancs ont utilisé des esclaves dans leurs colonies. Mais ils ne faisaient essentiellement que les acheter à des fournisseurs arabes ou noirs, qui se vendaient entre eux. Comment s'étonner dès lors que l'exploitation des miséreux n'ait pas décru depuis la décolonisation ? Alors il n'y a pas à culpabiliser. Maintenant nous sommes dans le présent, et la page coloniale est tournée.
A partir du moment où certains pays ont voulu l'indépendance, et souvent manu militari d'ailleurs, c'est pour s'assumer. Je prêche d'exporter le bonheur plutôt que d'importer la misère. Cela implique d'aider autant qu'on le peut les pays sous- développés ou en voie de développement à bâtir chez eux une société qui réponde aux aspirations de leur population. Dès lors, aucun des pays concernés par notre passé colonial n'est exclu de la poursuite, voire du développement, des relations d'entraide et de coopération, puisque celles-ci sont à favoriser avec tout pays de bonne volonté. Mais c'est ce dernier critère qui est déterminant : la bonne volonté. Pas le passé. Ce qui veut dire que la France n'a aucune obligation envers aucune de ses anciennes colonies. Elles doivent aussi mériter l'aide qui leur sera apportée. Et si certains ne veulent plus de la France, c'est leur droit le plus absolu. Qu'ils fassent leurs expériences sociales et contentons-nous de relations cordiales, lorsque c'est possible, ou patientons le temps qu'ils reviennent de leurs excès pour que ça le redevienne.
Et puis, au passage, si tant d'immigrés maghrébins ont tant de mal à s'intégrer dans notre société, n'est-ce pas aussi au départ parce que leur pays n'est pas si francophone que ça ? Certes il y a une tradition francophone, mais comme deuxième langue. Leur langue officielle est l'arabe. Pas le français. Ne l'oublions pas. Plusieurs pays d'Afrique centrale et de l'ouest ont le français comme langue officielle, pour réunir les différentes ethnies du pays et dépasser le problème de leurs dialectes différents. C'est déjà plus francophone. Et ça ne gomme pas pour autant les problèmes d'intégration.
Mais de toute façon, le proche futur de la France n'est pas dans une intégration africaine. Il est avec nos voisins Européens.

Quidam :
Voilà qui a le mérite d'être clair. Donc vous ancrez clairement la France dans l'Europe.

PG :
Je vois mal comment faire autrement. Mais, histoire de rester aussi clair, pour nous construire ensemble. Pas pour chuter ensemble. Donc pas sur la base des principes régissant actuellement la finance et l'économie mondiale et européenne. Je suis plus qu'un européen convaincu, je suis un mondialiste convaincu. Convaincu qu'un jour, petit à petit, les différents états du monde s'uniront pour vivre harmonieusement en paix plutôt que de se tirer dans les pattes, voire se balancer des missiles. Pour cela, il est vraisemblable que s'harmoniseront d'abord des blocs régionaux : Amérique anglophone, Amérique latine, Afrique, Moyen-Orient, Extrême-Orient, et bien sûr Europe. Il est inutile de s'imaginer vivre tous ensemble en paix si déjà au sein de blocs régionaux aux cultures proches, les pays n'arrivent pas à s'entendre. Et on voit bien en Afrique que les différentes ethnies ont déjà bien du mal à cohabiter au sein des frontières héritées de la décolonisation et qui sont vouées à éclater à terme pour pacifier les choses. Il faudra du temps pour que les humains prennent conscience que toutes ces différences culturelles, linguistiques, ethniques ou raciales ne sont rien et que nous formons une seule humanité. Inutile d'espérer faire reconnaître le droit au respect des règnes animal et végétal au sein de la communauté du vivant, si déjà cette simple notion de communauté humaine reste à l'état d'utopie.

Quidam :
Alors c'est toutes les relations internationales de la France que vous seriez prêt à redéfinir pour favoriser votre programme de réforme. Pas juste la position au sein de l'Union Européenne. N'est-ce pas un gros risque d'isoler la France dans le concert des nations ?

PG :
Je vous répondrai par une autre question : si vous voyiez venir une inondation avec une montée rapide des eaux, que vous voyiez qu'il y a urgence à grimper sur la colline voisine, mais que vos voisins se partagent entre ceux qui croient que les eaux ne les atteindront pas et ceux qui veulent emporter tous leurs vieux meubles avec eux, qu'est- ce que vous feriez ? Vous tergiverseriez à vous demander si vous devez avoir plus confiance en votre propre jugement qu'en celui des autres ? Vous resteriez pour laisser votre famille se noyer solidairement avec tout le monde ?
Il existe une sagesse proverbiale qui dit : « mieux vaut être seul que mal accompagné ». Bien sûr, il est facile, surtout pour celui qui veut fustiger en toute mauvaise foi, de travestir en réflexe xénophobe de fermeture nationaliste face à une difficulté la prise de responsabilité pour ne pas être un mouton de Panurge qui suit ses congénères dans la noyade. L'ouverture est toujours préférable, mais quand elle est appropriée et maîtrisée. Sinon elle peut être destructrice. Et quelqu'un d'adulte, autonome et responsable, doit savoir discerner quand vient le temps du retrait et quand vient le temps du rassemblement.
Alors si par peur d'être heureux tous seuls, les français doivent rester otages des dictats de l'Organisation Mondiale du Commerce et manger du bœuf aux hormones, des céréales OGM et autres poisons de l'industrie agroalimentaire mondiale, tout en regardant sans rien faire leurs emplois industriels créateurs de valeur ajoutée partir dans les pays dont l'absence de politique sociale permet des coûts de main d'œuvre très bas, alors qu'ils ne s'étonnent pas de s'enliser progressivement dans la misère et la maladie. Si par peur d'être heureux tous seuls, les français doivent rester aux ordres de l'OTAN, alors qu'ils ne s'étonnent pas de voir mourir leurs soldats dans des guerres où ils n'ont rien à faire. Si par peur d'être heureux tous seuls, les français doivent rester enlisés dans un dogme européen vicié, alors qu'ils ne se plaignent pas de l'incapacité de leur gouvernement à améliorer leur condition.

Quidam :
Donc l'OMC, l'OTAN... vous en sortiriez ?

PG :
Il faut s'en retirer, bien sûr.
L'OMC parce que c'est clairement une arme de destruction massive. Le dogme libre-échangiste à tout va que sert cette organisation a démontré toute sa capacité à niveler par le bas, mais pas à améliorer le sort des pays pauvres. Alors pourquoi continuer ? Les économies des différentes régions du monde ont des différences trop fondamentales pour les laisser en libre concurrence. Il y a urgence à rétablir des barrières douanières rétablissant les équilibres nécessaires à une économie saine et diversifiée.
Le protectionnisme n'est pas un gros mot. C'est une nécessité, pour ne pas dire un devoir d'un gouvernement envers son peuple. Et je vais même jusqu'à dire que c'est un devoir vis-à-vis des autres peuples. Car qu'est-ce qui a permis au départ l'élévation du niveau de vie de l'occident ? Le besoin de développer un marché intérieur pour disposer de débouchés commerciaux ou les seuls revenus découlant de l'exportation ? Il est parfaitement clair qu'un employeur d'un pays pauvre, qui opère une usine de production de biens destinés à l'exportation, a pour seul intérêt de maintenir les coûts de main d'œuvre aussi bas que possible. Mais dès que son activité dépend au moins en partie du marché intérieur du pays où il se trouve, les choses sont radicalement différentes. L'amélioration de niveau de vie de ses ouvriers devient la condition indispensable pour générer des débouchés locaux. Davantage de générosité salariale et sociale peut alors être récompensée par le développement de ce nouveau marché intérieur, au lieu de seulement être un handicap par rapport à d'autres pays où les producteurs demeurent plus pingres.
Alors je ne dis pas que tous les pays ont vocation à produire tous les mêmes choses chacun dans leur coin. Je ne parle nullement d'isolationnisme ou d'autarcie. La répartition irrégulière des ressources naturelles sur le globe établit d'elle-même des avantages dans certains domaines pour certains pays. La Chine par exemple, et en attendant que les pays qui s'émeuvent de cette situation ne développent des sources de production alternatives, dispose de l'essentiel des réserves de terres rares actuellement en exploitation. Dans notre monde technologique où l'électromagnétisme prend de plus en plus d'importance, elle a donc un vrai avantage compétitif naturel pour produire, outre divers composants électroniques, des aimants néodymes propices au développement des technologies qui les affranchiront progressivement de leur dépendance énergétique. La logique aurait voulu que les importants gisements de cuivre, de cobalt et de manganèse du Congo lui permettent similairement de disposer d'un avantage compétitif naturel dans la production, par exemple, de batteries pour téléphones et ordinateurs portables, mais ils ont eu la guerre civile à la place, afin que, comme toujours en Afrique, les abondantes richesses naturelles de leur sol bénéficient à d'autres. Toujours est-il que ces différences de répartition des ressources assurent à elles seules la continuation de ce commerce mondial qui favorise le rapprochement des peuples lorsqu'il est équitable, mais promeut au contraire les antagonismes lorsqu'il ne l'est pas et que certains se sentent lésés et exploités par d'autres.
Ces spécialisations naturelles nous prémunissent donc de l'autarcie. Mais pour autant, est-il acceptable qu'un pays de la taille de la France soit dépourvu d'industrie textile au point qu'il ne saurait même plus s'habiller sans les importations indiennes, chinoises ou du Maghreb ? Est-il acceptable au niveau stratégique d'être aussi dépourvu d'industrie sidérurgique ? Ou à ce point dépendant de l'Asie du Sud-est dans un domaine devenu aussi fondamental que l'électronique ? Je vous laisse répondre par vous-même. Car si j'aspire à ce que les divers pays vivent et commercent en paix, il ne faut pas non plus avoir la naïveté de croire que les risques de guerres régionales ou mondiale sont derrière nous.

Quidam :
Justement, pourquoi se retirer de l'OTAN alors ? N'est-il pas plus sûr de faire partie d'une alliance plus large ?

PG :
Parce que l'OTAN n'est pas au service de la défense européenne mais aux services des grands intérêts économiques du monde anglo-saxon qui contribuent justement à déclencher ou entretenir ces conflits régionaux. La France n'a pas à en faire partie. Avoir une coopération défensive avec l'OTAN, pourquoi pas, mais l'avenir à moyen terme de la France est au sein d'une défense européenne. Pas atlantiste. L'OTAN est une survivance de la guerre froide qui n'a plus lieu d'être. Les intérêts américains et européens divergent trop depuis plusieurs années pour qu'il soit sain pour l'Europe de pérenniser cette structure obsolète. L'UE doit se doter de sa propre organisation indépendante de défense continentale. Au besoin en bousculant un peu les Suisses qui trouvent très pratique de ne participer à rien mais de profiter de tout, à commencer par leur statut de premier paradis fiscal du globe et de plaque tournante mondiale d'argent sale.
Lorsque les choses auront évolués et que les blocs Européen, Nord-Américain, Latino-américain, et Océanien, commenceront à s'intégrer davantage à la faveur de leurs liens culturels ancestraux, il est clair que les choses pourront être considérées différemment. Mais il faudra alors une structure ouverte et équilibrée, libre de la main mise de qui que ce soit. Il faudra que ce soit au service d'un collectif de pays où aucun n'aura de position dominante et ne pourra imposer ses intérêts mesquins aux autres. Bref, tout le contraire de ce qu'est l'OTAN actuellement.

Quidam :
C'est assez gaullien comme point de vue. Du moins au sujet de l'OTAN.

PG :
On peut arriver à une même position en partant de considérations différentes. La période de l'après-guerre et celle que nous vivons sont fondamentalement différentes. De Gaulle refusait d'être un satellite des Etats-Unis parce qu'il avait une conception de l'importance internationale de la France qu'il voulait restaurer après la déculottée de la Seconde Guerre Mondiale et la période d'occupation.
Je n'ai pas ce genre de considération. Les « au nom de la France », et autre « intérêt supérieur de la Nation », c'est de la soupe froide. Car c'est quoi la France ? D'un certain côté, c'est une idée. Une idée qui navigue au niveau international, avec une aura plus ou moins puissante, et plutôt moins que plus au fil des années… Une idée qui se croit encore sexy alors qu'elle est en pré-ménopause. Et la Nation alors, c'est quoi ? Ca repose sur quoi ? Une terre ? Les frontières de ce pays ont tellement navigué de droite et de gauche depuis l'avènement du royaume Franc de Clovis que je défie quiconque de me dire quelle est la terre de France originelle. Un peuple peut-être alors ? Mais quel peuple ? Les tribus gauloises ? Les envahisseurs Wisigoths ? Ou les Francs qui les ont chassés ? Plus les Burgondes ? Et bien d'autres ? Le mélange de tout ça et de plus encore ? Oui, là, on commence à s'en rapprocher. Alors arrêtons les sectarismes ethniques. Pour définir le peuple de France, qu'ils soient breton ou corse, alsacien ou basque, provençal ou chtimi, auvergnat ou parisien, réunionnais ou antillais, et j'en passe, il n'y a qu'une façon de faire : l'ensemble des gens vivant légalement dans nos frontières communes, rassemblés par une langue commune et désireux de partager certaines valeurs dans un projet de société. Donc quand je parle du « peuple », ce sont tous les français, d'importation ou d'origine, ce qui n'est jamais que de l'importation plus ancienne, et ce quelle que soit la couleur de l'arc en ciel qu'ils aient choisie d'afficher sur leur épiderme.
Alors pour moi, la France n'existe pas, bien que j'emploie le terme par simplification. Seuls existent les français. Et je ne suis pas non plus motivé par la pérennité de la France en tant qu'état indépendant. Qu'elle devienne à terme une simple région d'un plus vaste ensemble politique, comme une Fédération Européenne, ne me poserait aucun problème, du moment que ça permet la satisfaction des besoins fondamentaux des français et de leurs nouveaux concitoyens. Par contre, je suis très intéressé à ce que les français contribuent à améliorer ce monde, tant pour eux-mêmes que pour les autres. Car l'améliorer pour les autres, c'est aussi simplement pousser jusqu'au bout la logique égoïste selon laquelle on ne peut être réellement et durablement heureux chez soi pendant que son voisin crève de faim. Que ce soit par générosité ou par égoïsme, le résultat est le même : le bien-être doit s'exporter et se généraliser pour qu'il soit pérenne chez nous. Mais qu'on soit heureux en France ou dans un pays qui porte un autre nom, voire qui n'existe plus parce que le monde sera devenu un vaste pays, qu'importe, du moment que nous sommes heureux. C'est ça l'objectif. Pas la gloire de la France.

Quidam :
Vous seriez favorable à un renforcement de l'ONU alors ?

PG :
Pas du tout. L'ONU n'est pas non plus une organisation honorable. Du moins dans son fonctionnement actuel. Il n'est pas acceptable que quelques pays, dont la France fait d'ailleurs partie, aient le pouvoir d'opposer un veto à une résolution souhaitée par tous les autres. Avoir le pouvoir de faire primer ses propres intérêts mesquins sur l'intérêt collectif est un mode de fonctionnement qui me laisse très perplexe. Je suis surpris que tant d'états du monde acceptent cette vaste mascarade qui permet à des pays comme Israël de braver les résolutions de l'ONU sachant que le veto américain les préserve de toute conséquence fâcheuse de la part de la communauté internationale, tout comme d'autres se savent protégés par le veto russe.
Cette question de la réforme du conseil de sécurité de l'ONU est primordiale pour que cette organisation, dont les objectifs fondateurs étaient très louables, retrouve un peu de crédibilité. Et accessoirement devrait se poser aussi celle de son déménagement vers un pays plus modeste, plus neutre au niveau international, comme peut l'être la Belgique pour la Commission Européenne. Si le siège de l'ONU passait, par exemple, au nord du Saint-Laurent, ce serait déjà une avancée considérable. Ou pourquoi pas l'Ile Maurice, bel exemple d'intégration raciale s'il en est ? Nous n'avons que l'embarras du choix.

Quidam :
Voilà une suggestion qui risque de ne guère être apprécié des New-Yorkais.

PG :
Et encore moins de ceux qui instrumentalisent l'ONU et ont fait ce qu'il fallait pour l'implanter à New-York où ils peuvent y avoir une influence plus grande. Mais je vous assure qu'elle serait très apprécié d'énormément de pays du globe qui sont très critiques vis-à-vis du fonctionnement des instances internationales, notamment de l'impuissance démontrée de l'ONU à endiguer les velléités belliqueuses du gouvernement Bush, comme des dictats du FMI qui servent avant tout à dépouiller les pays pauvres du contrôle de leurs ressources sous couvert d'aides financières.
Il existe un puissant courant non aligné, constitué de pays qui verraient d'un très bon œil qu'une nation comme la France, bénéficiant de par son histoire, sa culture et son économie, d'une certaine aura au niveau international, devienne un élément moteur, non pas comme leader mais comme catalyseur, dans l'évolution des institutions internationales. Sans attendre l'intégration progressive des blocs régionaux, il y a même un contexte favorable pour dépasser les clivages et affinités culturels actuels et nouer des relations, voire des alliances au moins économiques, avec nombre de pays de par le globe qui sont désireux de progresser selon un modèle politique et des objectifs humains équivalents aux nôtres. La caducité du leadership mondial des Etats-Unis rouvre actuellement une fenêtre de temps favorable à la reconstruction de relations internationales plus porteuses, ce qui s'était déjà présenté après la fin de la Seconde Guerre Mondiale mais avait alors été piétiné au profit du développement de la guerre froide.
D'ailleurs, depuis plusieurs années déjà, se développe un courant favorisant le vacillement du leadership mondial de l'Europe et de l'Amérique. Il est désigné sous l'acronyme BRIC, initiales de Brésil, Russie, Inde et Chine. On ne peut parler de nouveau pôle de leadership tant ces pays ont des intérêts divergents, voire concurrents, mais ils sont clairement réunis par leur aspiration à bousculer l'ordre mondial établi. Car voilà des pays qui sont en train de prendre une place majeure sur l'échiquier économique mondial, et donc en train de gagner aussi en poids politique. Bien que le poids économique et politique de la Russie et de la Chine ne soit pas nouveau. Ce sont ces BRIC notamment qui appellent à la mise en place de cette monnaie mondiale sous forme de panier des principales devises que j'évoquais tout à l'heure. Vu l'importance qu'ils acquièrent, ils ne veulent plus dépendre, et on ne le comprend que trop bien, du Dollar US et de toutes les malversations qui l'affectent et se répercutent sur les échanges internationaux. La France aurait tout à gagner à se joindre à eux pour pousser en ce sens. L'Europe aussi d'ailleurs, et probablement qu'une position déterminée de la France aiderait l'UE à se libérer des habitudes économiques et monétaires atlantistes de ces dernières décennies, et dont on voit bien qu'elles ont vécu. L'échiquier mondial est en pleine mutation. La France va-t-elle laisser passer l'occasion de contribuer à lui donner de meilleures bases ? L'enjeu est de taille.
L'expression « village planétaire », destinée à désigner notre monde où le développement des transports et des communications permettent de rapprocher considérablement les différents points du globe les uns des autres, date déjà des années soixante. A l'heure où les bouleversements écologiques mondiaux engendrés par l'homme sont avérés, il est illusoire de s'imaginer pouvoir s'isoler du reste de la planète pour mener son petit bonhomme de chemin dans son coin sans se préoccuper de ce qui se passe ailleurs. Alors il faut tenter d'exporter notre vision. Mais pour autant, il faut être prêt à tenter de se débrouiller tout seul, de son mieux, pour minimiser la casse, si le reste du monde décide de continuer sa course folle vers le mur barrant le fond de l'impasse dans laquelle il est lancé.
Mais je suis confiant que bien d'autres pays ont les mêmes aspirations. Le statut international de la France, bien que déclinant, peut encore être de nature à favoriser l'émergence et l'organisation d'une coopération entre un ensemble de pays décidés à rompre avec les bêtises du passé pour que le troisième millénaire puisse réellement marquer un avènement de l'Humain, avec un H majuscule. Peut-être serait-il temps de cesser de se gargariser des Lumières passées pour agir et faire avancer les causes défendues par ces philosophes qui font la fierté de notre culture ?

Quidam :
N'y a-t-il pas une certaine dose d'anti-américanisme dans votre analyse ?

PG :
Absolument pas. Etre anti-américain, ce serait être contre le peuple et la culture américaine. J'ai de la sympathie pour l'un et l'autre, et ce d'autant plus que je les connais bien. C'est d'ailleurs ce qui me permet d'abhorrer le base-ball en pleine connaissance de cause… sympa à jouer avec des copains mais si ennuyeux à regarder.
Par contre, je suis effectivement très critique vis-à-vis de la politique suivie par les divers gouvernements de Washington depuis de nombreuses années au niveau international. Au risque de me répéter, elle sert l'oligarchie financière anglo-saxonne, pas le peuple américain. Et il n'est qu'à voir la dégradation générale des conditions de vie d'une grande partie des citoyens des Etats-Unis pour en être convaincu. Ce n'est pas être anti-américain que de reconnaître qu'ils sont les premières victimes de la politique de leurs gouvernements successifs. La généralisation de la misère au sein de ce peuple permet de recruter à bon compte de la chair à canon pour aller à l'autre bout du monde préserver, voire développer, les intérêts privés de ceux-là même qui les maintiennent dans le dénuement. Et cette politique est d'autant plus agressive ces dernières années, que cette oligarchie financière occidentale sent monter la pression de sa rivale asiatique, notamment chinoise, qui est en train de lui contester son trône. Les américains sont abusés, désinformés, par un matraquage médiatique contrôlé par ces puissants intérêts financiers, si bien qu'ils ne savent plus vraiment où ils en sont et ce qu'il convient de faire. Mais l'ouvrier chinois, au service de la stratégie de domination mondiale par l'économie que mène son gouvernement, peut se sentir tout autant manipulé et exploité que le petit peuple américain. J'ai de l'empathie pour eux. Et ce d'autant plus que les français, qui abandonnent de plus en plus le contrôle de leur sort au profit des « people » que leur servent les média et sont donc engagés sur le même chemin, ne sont guère en position de donner des leçons. Alors certes les américains ont besoin d'ouvrir les yeux et de prendre davantage conscience de la façon dont ils sont utilisés par leurs élites. Mais n'en sommes-nous pas tous là à des degrés divers ?

Quidam :
Vous avez mentionné plusieurs fois les risques de guerre qui planent sur le monde de ce début de millénaire. Quelle importance attribueriez-vous à la Défense Nationale dans ce statut international de la France ?

PG :
La plus faible possible. Un statut international ne doit pas reposer sur la puissance militaire.
Je considère que la Défense Nationale est là, comme son nom l'indique, pour défendre le pays d'éventuelles agressions venant de l'extérieur. Mais je ne vois pas l'intérêt de développer des capacités offensives pour se projeter à l'autre bout du monde et chercher à y imposer Dieu sait quoi. C'est par la diplomatie, le respect et le consentement mutuel que pourront se développer des collaborations durables entre différents pays et régions du globe. A chaque fois que cela reposera sur une présence militaire, c'est que nous serons à côté de la plaque. Ce qui rime, et ce n'est pas fortuit, avec Iraq.
Gandhi a dit, en substance : « un dictateur peut sembler inamovible, pendant un temps, mais au final, toujours triomphe l'amour ». Il faut donc être patient. C'est l'évolution des consciences qui doit permettre à un peuple de se libérer lui-même. Pas l'intervention militaire d'un autre pays. D'autant que l'écrivain Frank Herbert disait aussi avec une grande justesse : «  la violence est le dernier recours de l'incompétent ». Alors soyons compétents en matière de conscience et soyons patients.
Mais être patient n'implique pas d'être naïf : il faut demeurer prêt à se préserver de l'impatience et de l'incompétence d'autrui. Il faut donc une armée de métier performante, donc bien entraînée et avec un équipement moderne. L'investissement dans ce domaine peut se révéler très vite coûteux quand on voit le prix d'un Rafale, d'un char Leclerc ou d'un porte-avion. Et il n'est pas fortuit que ce soit le Japon et l'Allemagne, tous deux empêchés d'investir dans l'armement suite à leur défaite de 1945, qui aient affiché le développement économique le plus convaincant sur le reste du siècle. Certes, leur caractère national favorisait une industrie performante et de qualité, mais ne pas avoir à détourner une partie des richesses produites vers le militaire s'est avéré déterminant. Alors il faut savoir rechercher le juste compromis en sachant que, tant qu'aucune guerre n'est déclarée, on a toujours l'impression que le budget militaire est trop coûteux, tandis que le jour où il s'en déclare une, on se reproche d'y avoir fait des économies. C'est la même chose avec une prime d'assurance qui ne sert à rien tant qu'il n'y a pas de sinistre mais devient essentielle le jour où il y en a un. Or la France, de par sa présence mondiale via les départements et les territoires d'Outre-mer, est exposée à des degrés divers à ce qui se passe partout dans le monde. Alors elle doit être prête à se défendre partout dans le monde. Et à projeter aux antipodes si nécessaire des capacités militaires, bien que plus défensives qu'offensives.
Je vous ai déjà mentionné mon souhait de rétablir un service civil pour les jeunes afin de favoriser le passage au statut d'adulte. Et aussi, au risque de me répéter, que je suis favorable à ce que ceux qui le souhaitent puissent consacrer cette année de service envers la collectivité à l'armée. Ceux qui ne le souhaitent pas s'en tenant, eux, à un service non militaire, mais intégrant des aspects de sécurité civile utiles dans le cadre de la défense du territoire. Une armée de métier, c'est mieux pour projeter ses forces à distance. Mais si nous en venons un jour à devoir défendre notre propre territoire, ce qui est une hypothèse que nous ne pouvons exclure dans le monde d'aujourd'hui, l'implication de la population sera indispensable.

Quidam :
Et la dissuasion nucléaire ? Validez-vous cette option de défense ?

PG :
Sujet sensible que celui-là.
Deux cas se posent. D'abord face à une autre puissance nucléaire : si vous m'envoyez vos suppositoires, je vous balance les miens. C'est le principe de la capacité de deuxième frappe : dissuader l'attaquant par le fait que, même si nous ne pouvons contrer son attaque, nous serons au moins capables ensuite de lui infliger des dégâts insupportables. Je suis un peu sceptique sur cette logique. Faut-il vouer au feu nucléaire une population manipulée par des dirigeants dérangés et qui seront, eux, bien à l'abri de leur bunker antiatomique ? A chacun de trouver sa propre réponse. Mais c'est probablement une stratégie adéquate pour un pays comme la Russie dont le puissant voisin chinois pourrait autrement être tenté de mettre la main sur la Sibérie et disposer des ressources qui lui font défaut et dont le manque représente le seul vrai frein à court terme à son expansion, en attendant qu'ils ne soient rattrapés par les réalités environnementales et de surpopulation.
Le deuxième cas de dissuasion est vis-à-vis d'un pays n'ayant pas de capacité nucléaire : si tu me marches sur le pied, je t'arrache la tête ! C'est faire valoir que nous détenons sur eux une capacité de première frappe : une puissance d'attaque suffisante pour détruire leur possibilité de riposte, et donc les priver de cette deuxième frappe dont je vous parlais précédemment. Ca me semble également d'une logique assez critiquable. Et là encore, ce sont les populations civiles manipulées qui payent le prix de la folie de leurs dirigeants belliqueux. Ils n'ont qu'à pas se laisser manipuler me direz- vous... Certes, mais nous n'avions qu'à pas leur vendre des armes non plus ! Et puis, de toute façon, rajouter de la pollution radioactive dans l'atmosphère ne sera bien pour personne. C'est un peu une victoire à la Pyrrhus. A court terme on croit gagner, mais à long terme, tout le monde a perdu.
Alors il faut favoriser le désarmement nucléaire mondial tout en sachant que c'est un jeu de dupes car les divers gouvernements du monde ne font pas forcément ce qu'ils disent. Et surtout, il faut favoriser les systèmes de défense anti-missiles, seuls aptes actuellement à se prémunir contre de telles attaques et donc à réduire l'intérêt d'un arsenal ICBM. Sauf pendant la période où un seul pays en dispose et peut alors être tenté de déclencher une première frappe sachant qu'il est, lui, protégé d'une éventuelle riposte…
Mais il est fortement à soupçonner que nous ayons discrètement dépassé ce stade. Le rayon de la mort de Nikola Tesla, encore lui, et dont il avait morcelé les plans et distribué des morceaux à plusieurs pays parce qu'il ne voulait pas qu'une telle arme capable de détruire ainsi à grande distance un avion, un bateau, un missile, voire des immeubles, puisse tomber entre les mains d'un seul gouvernement, a eu le temps de faire des émules. Qu'on l'appelle rayon de particules subatomiques, ou simplement rayon laser, ça fait longtemps qu'il est militairement opérationnel, et probablement aussi dans l'espace, à bord de satellites russes et américains que nous espèrerons être voués à un rôle purement défensif. Souvenez-vous de la fameuse Initiative de Défense Stratégique, surnommée Star Wars, du président Reagan au début des années 80. Il n'était question que de rattraper le retard américain sur les russes dans ce domaine. Et les Chinois s'y mettent maintenant, relançant la course l'armement. Et d'autres aussi. Mais on parle également de bien d'autres types d'armements non conventionnels qui rendent le nucléaire passablement obsolète : armes à infrasons, armes magnétiques, voire armes climatique et sismique, etc. L'inventivité humaine en matière de capacité de destruction est proprement remarquable.
Si bien que la meilleure défense demeurera toujours clairement, et de très loin, d'inspirer le respect, non par la crainte mais par l'estime, pour ne pas donner envie à autrui de nous attaquer. Efforçons-nous alors de bâtir dans notre pays une société respectable, et efforçons-nous ensuite de contaminer positivement les autres nations pour propager cet effort au niveau mondial.

Quidam :
Je suis certainement d'accord avec ça.
Je constate toutefois que ça fait longtemps que vous n'avez plus mentionné Maslow. N'est-il plus applicable au niveau international ?

PG :
Ah, notre boussole de base vous manque dans cette course d'orientation pour rénover notre société ? Eh bien, on peut y resituer certaines des positions que je viens de défendre par rapport à sa pyramide, car la politique extérieure ne doit jamais être que le prolongement des valeurs que nous cherchons à développer à l'intérieur de nos frontières.
Refuser de s'inféoder à l'OTAN ou aux intérêts privés qui le pilotent pour ne pas être entraînés dans des opérations militaires douteuses, c'est une position qui va au moins dans le sens du deuxième besoin : la sécurité, celle dont on bénéficie mieux en temps de paix qu'en allant slalomer entre les balles, ainsi qu'en évitant d'aller inutilement embêter autrui pour ne pas lui donner envie de nous embêter inutilement en retour. Refuser la dictature libre-échangiste de l'OMC, va dans le sens de préserver notre société en général et relève donc de plusieurs niveaux à la fois : la protection contre le dénuement, autant que les possibilités de valorisation et de réalisation que permettent une économie bien portante, car préservée du nivellement par le bas en cours. La fibre paneuropéenne est plutôt du ressort du troisième niveau : l'appartenance à un bloc régional plus compatible, malgré les différences linguistiques, avec notre identité culturelle et nos traditions, et dont nous sommes de surcroît un carrefour géographique incontournable, ce qui y facilite notre intégration. Cependant, être prêt à prendre certaines distances si nécessaire pour mettre en place les mesures qu'appelle notre objectif sociétal, c'est plutôt se donner les moyens de répondre aux quatrième et cinquième niveaux de besoins.
Il est à noter que ces derniers peuvent parfois amener à négliger le second niveau. On peut parfois être tenté, que ce soit pour se valoriser ou pour chercher à se réaliser, de prendre certains risques. Lorsque c'est dans le but d'un accomplissement, ça reste une démarche positive, comme par exemple d'accepter d'affronter certaines difficultés en prenant une distance vis-à-vis de l'Europe pour mieux nous construire. Mais quand il s'agit de se faire mousser pour se faire remarquer, ce n'est qu'une motivation égotique vaine. Le problème, en matière de relations internationales, est de savoir faire la différence entre les deux. Certaines actions contribuent à exporter le bien-être et à favoriser la paix, ce qui bénéficie en retour à notre société, tandis que d'autres résultent uniquement de la volonté d'un chef d'état ou de diplomatie de se mettre en avant en allant se mêler de ce qui ne le regarde pas, ou de ce à quoi il ne peut rien.

Quidam :
Pensez-vous à un exemple en particulier ?

PG :
Le conflit Israélo-palestinien me semble bien y correspondre. Dès qu'un chef d'état est en perte de vitesse dans les sondages de son pays, il s'essaye à aller relancer le processus de paix en Palestine pour booster sa côte médiatique.

Quidam :
C'est pourtant un objectif louable que d'œuvrer à la paix dans cette région.

PG :
Louable, mais sans grand espoir, je le crains, par les temps qui courent. Du moins tant que les dirigeants d'Israël persévèreront dans une telle volonté d'entretenir le conflit, en profitant depuis des décennies de chaque commémoration de la Shoah pour installer une nouvelle colonie et en maintenant les palestiniens dans une telle misère que le Hamas, ou le Hezbollah du Sud-Liban, ne manquent jamais de candidats pour des attentats-suicides. Il semble pourtant si évident que des gens bénéficiant d'un bon niveau de vie auront naturellement beaucoup moins envie de jouer les kamikazes que des personnes crevant la misère, qu'il est difficile d'y voir autre chose qu'une volonté délibérée d'entretenir cette situation explosive.

Quidam :
Vous considérez que l'Holocauste est instrumentalisé par l'état israélien ?

PG :
C'est une évidence. Et au risque de briser ce ridicule et très hypocrite tabou selon lequel dire quoi que ce soit qui relativise l'Holocauste correspond à faire preuve d'antisémitisme, force est de constater qu'il n'est ni le premier ni le dernier des grands massacres qu'ait connus l'humanité. Et sans remonter au-delà d'un siècle, si la Seconde Guerre Mondiale a donné lieu à l'Holocauste, la Première a donné lieu dans l'Empire Ottoman entre 1915 et 1916 au génocide d'environ 1'200'000 arméniens. C'est à cette occasion, et non lors du procès des nazis à Nuremberg, qu'est apparue l'expression « crime contre l'humanité et la nature ». N'en déplaise au gouvernement Turc actuel qui maintient encore et toujours une position partiellement négationniste sur cette question, d'autant plus surprenante que la république kémaliste dont il se réclame, et qui a pris la suite du régime Jeune Turc au pouvoir au moment des faits, a jugé et condamné les responsables de ces atrocités. Les allemands sont un peuple organisé, alors ils ont industrialisé le processus d'extermination. Mais ce n'est ni pire ni mieux que d'égorger manuellement quelques centaines de milliers d'arméniens au détour d'un ravin, ou d'envoyer des opposants ou supposés tels mourir de froid au fin fond de la Sibérie. Car le régime stalinien, lui, n'a pas exterminé sur la base d'une ethnie ou d'une religion, mais sur la base d'une idéologie, ce qui n'est pas mieux. Et son score est de deux à trois fois supérieur à celui du régime hitlérien tout en restant très inférieur à celui de la période Mao. Et le gouvernement chinois démontre quotidiennement au Tibet, dans un assourdissant silence de la communauté internationale qui confine à l'esprit des accords de Munich, que ses dispositions n'ont pas fondamentalement évolué, et que ce n'est qu'affaire de temps avant que ne vienne le tour de Taiwan. A moindre échelle, bien qu'on en ait davantage parlé, les Khmers Rouges de Pol Pot aussi ont marqué l'histoire de leur sauvagerie. Et il y a eu le Rwanda. Et au cœur même de l'Europe, la Bosnie et le Kosovo. Et divers autres massacres dont on entend fort peu parler. Alors juifs ou pas, ce sont tous des êtres humains et ces exterminations de masse sont aussi condamnables dans un cas que dans l'autre.
Par contre on entend toujours, à chaque commémoration de la Shoah, « plus jamais ça », alors que « ça » continue avec la complicité passive de tout un chacun. Alors cessons ces hypocrisies. Oui l'Holocauste est une infamie de l'histoire de l'humanité, non il n'a pas le monopole de l'horreur, et non il ne justifie pas la politique de l'état d'Israël envers les palestiniens, en parfait mépris de toutes les résolutions internationales sur la question, puisque celui-ci se sait protégé de toute mesure coercitive, embargo ou autre, par le droit de veto de son indéfectible allié américain. Mais ce pays qui s'est bâti, comme l'essentiel des autres pays de son continent, sur le massacre des amérindiens, est-il en position de fustiger ceux qui suivent leur exemple et disent aux palestiniens « poussez-vous de là qu'on s'y mette » ?
Alors le problème n'est pas d'aller s'agiter inutilement à tenter de faire naître un illusoire espoir de paix en Palestine, mais bien de redonner de la respectabilité au fonctionnement des instances internationales pour qu'elles puissent agir efficacement en ce sens.

Quidam :
Je constate une nouvelle fois que vous ne faites pas dans la langue de bois.
Ce que vous dites n'est pourtant pas de nature à réjouir la communauté juive, ni d'ailleurs à la communauté turque qui aspire à entrer dans l'Union Européenne et dont le gouvernement goûte fort peu toute référence au génocide arménien.

PG :
Voilà deux thèmes sensibles en une phrase, alors commençons par le premier. Et commençons par faire une petite parenthèse sur le terme « antisémitisme » : c'est une aberration sémantique. Sémitique vient de Sem, l'un des trois fils de Noé, considéré d'après la Genèse comme étant le père des peuples du Proche et Moyen-Orient. Cela inclut donc certes les antiques Hébreux, mais aussi tous les autres peuples de la région, comme les Akkadiens et les Sumériens dont descendent les Iraquiens, les Phéniciens dont descendent les Libanais, et, pour faire court et d'une manière générale, tous les peuples que l'on regroupe dans le monde arabe. Etre antisémite devrait donc davantage signifier être anti-arabe qu'anti-judaïque, impliquant donc que des arabes antisémites seraient avant tout anti-eux-mêmes… que ces arabes soient, car c'est autre chose et il ne faut pas confondre, musulmans, juifs, chrétiens ou d'autres confessions. Mais de nombreux autres termes ont considérablement dérivés au fil du temps pour en venir à signifier bien autre chose qu'à leur origine.
Et puis une deuxième parenthèse mérite d'être ouverte également à propos de cette question d'un hypothétique « gène juif », sur lequel s'étendent certains théoriciens, et qui me laisse très perplexe. Lorsque j'ai un juif en face de moi, s'il ne porte pas la kippa ou un autre signe religieux ostensible, je n'ai guère de moyen de savoir qu'il est juif, c'est à dire adepte de la religion judaïque. Ce n'est pas inscrit sur son visage parce que ce n'est pas une caractéristique physique. Par contre, je saurai dire s'il est blanc ou jaune ou noir ou métissé. Parce que ça, oui, c'est une caractéristique physique visible. Alors si on cherche le gène commun entre un Sépharade, un Ashkénaze et un Falasha, forcément on va en trouver, puisqu'ils sont tous de l'espèce humaine. Mais un gène spécifique qu'ils aient en commun mais que les goys du reste du monde n'auraient pas, je suis très sceptique. Jusqu'à preuve génétique du contraire donc, l'Holocauste ne peut être qualifié de génocide à proprement parler puisqu'il n'est pas basé sur un gène spécifique comme pour une ethnie, ainsi qu'on l'a vu au Rwanda ou ailleurs. Mais notez que cette nuance n'enlève rien à son ignominie. A défaut d'être un génocide, ça reste une forme exacerbée de guerre de religion, comme on a pu en connaître au Moyen-âge dans le sud de la France lors de la croisade contre les Albigeois et l'éradication de la foi cathare, ou, plus tard et à moindre échelle, lors de la Saint-Barthélémy et des semaines qui l'ont suivie. Sauf qu'ici, ça fait pas mal de siècles que ça dure. Alors il serait temps de reconnaître le fait qu'un juif n'est rien d'autre qu'un être humain ordinaire comme vous et moi. Qu'il se pense élu de Dieu ou pas ne regarde que lui, grand bien lui fasse, en plus d'être aussi juste et aussi faux que toute affirmation contraire. Jusqu'à preuve du contraire donc, la communauté juive de France n'est pas une minorité ethnique ou génétique faisant partie d'un peuple éclaté qui se dirait désormais basé en Israël, mais une simple communauté confessionnelle composée de citoyens normaux, le Judaïsme étant à ce titre aussi respectable que n'importe laquelle des autres grandes religions du monde présentes dans notre pays.

Quidam :
Ca, c'est dit et clairement dit !

PG :
Dès lors, il faut cesser de croire que critiquer la politique palestinienne de l'état d'Israël revient à faire preuve d'antisémitisme. C'est ridicule, et c'est aussi une instrumentalisation bien exploitée par les faucons de Jérusalem. D'ailleurs, ce n'est pas plus être anti-israélien que critiquer la politique de Washington n'est être anti-américain.
Ma vie professionnelle m'a amené deux fois à Tel-Aviv, et j'en ai chaque fois profité pour visiter Jérusalem. Je me suis recueilli au Saint-Sépulcre, profitant de ce que les différentes factions chrétiennes qui l'occupent ne se livraient pas à des séances de pugilat à ce moment-là. Je n'ai malheureusement pas pu le faire au Dôme du Rocher et à Al-Aqsa parce que l'esplanade des mosquées était fermée par l'armée durant mes courtes visites. Mais j'ai aussi prié au mur des lamentations… pour voir ma prière interrompue par un juif intégriste, un Hassidim façon Rabbi Jacob, qui sollicitait un don pour sa synagogue. Vous imaginez ça, vous ? Interrompre la prière de quelqu'un sur le Mur des Lamentations pour faire la manche ? Et ça se prétend religieux alors que ça n'a même pas le respect du recueillement d'autrui ? Sur le coup ça m'a agacé, mais quelques minutes plus tard, avec le recul, je trouvais ça hilarant. Et quand je l'ai raconté à mes collègues de Tel-Aviv, des juifs donc, ils m'ont expliqué que beaucoup d'israéliens en ont par-dessus la tête de ces ultra-religieux qui jettent de l'huile sur le feu vis-à-vis des musulmans mais refusent de faire leur service militaire, tout comme ils en ont ras- le-bol des colons qui empêchent que ne soit trouvée une paix avec les palestiniens.
La majorité des habitants de ce pays, comme dans n'importe quel autre, aspire simplement à vivre et commercer en paix. Mais une minorité de va-t-en-guerre parvient périodiquement à relancer les tensions, bien aidée en cela par les excités du Hamas et du Hezbollah. Il faut dire que le maintien des animosités entre eux leur est aussi essentiel aux uns qu'aux autres pour s'attirer des supporters et des militants. C'est leur fonds de commerce, leur raison d'être, un égarement dans leur recherche de valorisation personnelle. En temps de paix, ils disparaîtraient. Alors je désapprouve la politique de certains politiciens israéliens qui constituent l'Etat de ce pays, mais je n'ai rien contre le peuple israélien, et ça n'a rien à voir non plus avec les juifs en général.
D'ailleurs, les Israéliens, maintenant qu'ils sont installés en Palestine, ils ne vont pas repartir. Alors il va bien falloir un jour que les deux frères, Ismaël et Isaac, trouvent à vivre ensemble en bonne intelligence. Et il me semble que cela se construira bien plus adéquatement par le partage du bien-être que par des blocus incessants qui rendent la population de Gaza dépendante du Hamas pour survivre, assurant à celui-ci une reconnaissance et une gratitude populaire qui pourrait tout aussi bien aller au gouvernement israélien, s'il se donnait la peine de tenir ce rôle de moteur de développement. Non seulement ça favoriserait la paix, mais en plus, ce serait bien moins coûteux que d'entretenir une force militaire imposante pour contrer les effets de cette politique désastreuse. Rappelez-vous ce que je vous disais concernant l'Allemagne et le Japon dont l'interdiction d'investir dans le militaire improductif s'est révélé un facteur clé de leur développement économique. Et la Suisse, qui est plus réputée pour sa neutralité légendaire que pour sa puissance militaire, l'a bien compris depuis longtemps.

Quidam :
Effectivement, investir constructivement plutôt que dans des capacités de défense ou de destruction improductives fait toute la différence. Nous avons bien vu pendant la guerre froide, et jusqu'à l'éclatement du bloc soviétique, à quel point la course à l'armement pouvait étouffer une économie.

PG :
Absolument. Et les Etats-Unis sont en train d'en subir les conséquences également.
Mais pour poursuivre avec l'autre partie de votre remarque de tout à l'heure, s'il déplait à la communauté turque de France ou d'ailleurs qu'on parle des aspects sombres de l'histoire de son pays, alors que tout pays en a y compris le nôtre, ce n'est que signe qu'elle a encore un peu de chemin à faire vers son propre apaisement sur ces questions. Par contre, la question peut se poser de savoir si une nation qui refuse de regarder son passé en face, qui plus est des faits jugés et condamnés par les fondateurs même de la République Turque kémaliste actuelle, et fait du tapage diplomatique à chaque fois que quelqu'un l'évoque ou en reconnaît la réalité historique, est réellement « intégrable » au sein d'une Union Européenne qui a de surcroît été le refuge de nombreux arméniens fuyant ce génocide. Car là aussi, comme en matière d'immigration au niveau national, ce n'est qu'une question d'intégrabilité. Rien d'autre. Lorsqu'ils seront en paix avec ce passé, et qu'il suffit de reconnaître en toute simplicité sans même avoir besoin de s'en excuser puisqu'il est vain de s'excuser de quelque chose qui n'appartient qu'à leurs ancêtres, il leur restera surtout à pacifier leur présent, notamment par rapport aux Kurdes. Un pays qui n'a pas encore réussi à établir la paix entre ses propres composantes est-il intégrable à l'UE ? Il me semble suffisant que ce problème existe encore partiellement au sein de certains pays européens sans en rajouter d'autres. Par ailleurs, un pays de 80 millions d'habitants dont le PIB par tête est de moins de la moitié de la moyenne de l'UE est-il intégrable en l'état sans risque de dynamiter les économies plus développées, dont la nôtre, qui s'efforcent encore de maintenir l'Europe à flot ? Compenser l'essentiel du décalage de niveau de vie existant n'est-il pas un préalable indispensable ? Et c'est d'ailleurs là un principe qui n'est pas spécifique au cas turc mais vaut pour toute nouvelle extension du périmètre de l'Union qui a déjà crû trop rapidement comme ça et court maintenant le risque de se désintégrer faute d'avoir su intégrer. Alors harmonisons l'existant avant de vouloir croître encore.
Il faudra donc tout ça avant que j'envisage d'être favorable à l'intégration de la Turquie dans l'Union Européenne, qui alors ne sera plus strictement Européenne mais commencera à devenir Eurasienne. Les istanbuliotes sont très européanisés pour la plupart. Mais Istanbul n'est pas la Turquie. Et le reste du pays connaît des conditions très contrastées où la pauvreté offre un terreau fertile au développement de l'intégrisme vindicatif. Alors encore faudra-t-il s'assurer que la dérive islamiste en cours dans certaines parties du pays, et qui menace les fondements remarquablement laïcs et égalitaires de l'état Turc moderne fondé par Mustapha Kemal voici presque un siècle, est réellement endiguée. Intégrer dans l'UE un pays musulman de cette importance ne me gêne absolument pas. Mais du moment qu'il s'agit du véritable Islam, ouvert et tolérant, respectueux d'une société laïque car pluriconfessionnelle. Pas de la caricature qu'en ont fait des frustrés de l'existence devenus intégristes par besoin de défoulement de leurs névroses.

Quidam :
Et voilà comment, en quelques petites phrases, on se fait des millions d'ennemis.

PG :
Conduire un pays peut nécessiter la même hypocrisie sociale que celle dont on fait preuve en disant bonjour à un voisin qu'on n'aime pas. Mais ça n'implique pas de faire des courbettes en reniant nos valeurs et nos objectifs, ou en niant la réalité.
C'est pourquoi il est indigne de faire des courbettes au gouvernement totalitaire chinois, qui prétend nous dicter qui nous avons le droit de recevoir ou pas dans notre propre pays, pour qu'il accepte de nous acheter des Airbus ou des TGV. D'ailleurs, ils les feront assembler chez eux pour finir de transférer nos savoir-faire sans même avoir à pratiquer l'espionnage technologique et sans que ça ne donne de travail à nos ouvriers, et ce alors qu'ils ont déjà récupéré une part substantielle de nos emplois industriels. Alors franchement, pour un citoyen français qui n'en verra guère de bénéfice, quel intérêt ? Et pourtant, au fond, c'est bien que ces trains soient assemblés en Chine. Un pays comme celui-là doit être en mesure de produire ses propres trains. Ce qui n'est pas bien, c'est qu'une aussi grosse part de notre consommation ne soit pas produite chez nous. Et ça c'est de notre faute, pas de celle des chinois.
Mais que voulez-vous dire aux maîtres de Beijing sinon « bien joué » ? Ils mènent, ainsi que je l'ai dit, de façon consistante et continue depuis des décennies, une stratégie de domination mondiale par la croissance économique. Ils utilisent leur main d'œuvre volontairement maintenue à un coût très bas, ils maintiennent leur Yuan volontairement en sous-évaluation par rapport au Dollar pourtant déjà faible afin de favoriser leurs exportations et accumuler des devises qui leur permettent ensuite d'investir de manière massive à l'étranger tant dans des entreprises qu'ils rachètent que dans des capacités agricoles ou minières, et ils font miroiter leur énorme marché intérieur pour attirer des implantations d'entreprises avec obligation de le faire en joint-venture, donc avec un partenaire chinois qui récupère le savoir-faire et la technicité. Et toutes nos entreprises se bousculent pour aller s'y faire piller leur expertise. Alors j'ai envie de m'excuser auprès des dirigeants chinois. M'excuser que les occidentaux se soient révélés d'aussi pitoyables adversaires sur le grand échiquier mondial, et m'excuser que ça en diminue le mérite de leur triomphe annoncé. Car il n'y a plus guère de doute maintenant : sauf frappe nucléaire rapide ou cataclysme pas nécessairement naturel, les chinois seront les maîtres du troisième millénaire.
Ainsi évolue le monde, et l'Empire du Milieu va retrouver un statut central. Et, entre nous, quelle importance ? Que ce soit la Chine ou un autre pays qui remplace les Etats- Unis au podium de première économie de la planète, ça importe peu en soi. A partir du moment où on fait un classement, il y aura forcément un premier et un dernier. Ce n'est pas pour autant que c'est un problème. Ce n'en sera un que si le peuple chinois manque son rendez-vous avec l'affirmation de son droit à exister en tant qu'individus plutôt que comme pions d'une organisation sociale collectiviste, et s'il échoue à faire évoluer son régime politique vers un qui garantisse mieux les valeurs humaines universelles.
Mais il est bien clair que ce n'est pas en nous vendant ni en fermant les yeux sur la situation des droits de l'homme en Chine que nous les y aidons. Que le Tibet soit indépendant ou soit une province chinoise n'est pas un problème. Ce qui l'est, c'est la façon dont le gouvernement de Beijing s'y conduit. Et tout autre pays d'importance moindre aurait déjà vu la communauté internationale lui opposer des embargos et des condamnations dans les instances onusiennes, voire une intervention des casques bleus. Mais au lieu de ça, nous, occidentaux, faisons des courbettes pour entretenir un cours de bourse à court terme. Honte à nous !

Quidam :
Je crois que je vais cesser de compter le nombre d'inimitiés que vous vous faites.

PG :
C'est plus sage en effet, tant celui qui dit les vérités que d'autres ne veulent pas entendre est rarement populaire.
Pourtant, il faut bien le dire à un moment donné. Car ça relève totalement d'une aspiration à l'intégrité qui est nécessaire au respect de soi, tant individuellement que collectivement. Dénoncer cette politique catastrophique de l'occident vis-à-vis de la Chine favorise à la fois le second niveau de besoin en préservant notre économie, le troisième niveau en donnant une identité plus forte à notre groupe d'appartenance, le quatrième en renforçant notre estime de nous-mêmes, et le cinquième en favorisant la cohérence intérieure, indispensable prélude pour aller vers un accomplissement. Respecter l'autre, mais aussi se faire respecter.
Ce qui vaut pour les individus au niveau national s'exprime donc aussi à l'échelle du groupe social au niveau international et peut conduire à refuser collectivement de baisser ainsi sa culotte pour des contrats biaisés. Car dans ce domaine aussi, il est facile de se laisser aveugler par le court terme en croyant y gagner, alors qu'en fait, à long terme, on se fait croquer.


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