[./respect_et_verite-le_livre.html]
[./respect_et_verite-le_livre.html]
[./respect_et_verite-telecharger.html]
[./respect_et_verite-commander.html]
[./respect_et_verite-preambule_et_copyright.html]
[./respect_et_verite-00-introduction.html]
[./respect_et_verite-01-individu_vs_collectivite.html]
[./respect_et_verite-02-laicite_vs_religion_et_islam.html]
[./respect_et_verite-03-immigration_et_integration.html]
[./respect_et_verite-04-croissance_surpopulation_et_environnement.html]
[./respect_et_verite-05-energie.html]
[./respect_et_verite-06-qualite_et_consommation.html]
[./respect_et_verite-07-agriculture.html]
[./respect_et_verite-08-monde_animal.html]
[./respect_et_verite-09-mort_euthanasie_suicide.html]
[./respect_et_verite-10-sante_et_securite_sociale.html]
[./respect_et_verite-11-alcool_tabac_et_drogues.html]
[./respect_et_verite-12-sexe_et_prostitution.html]
[./respect_et_verite-13-justice_et_procedure_judiciaire.html]
[./respect_et_verite-14-prison.html]
[./respect_et_verite-15-ordre_public.html]
[./respect_et_verite-16-incivilite_et_securite_routiere.html]
[./respect_et_verite-17-transports.html]
[./respect_et_verite-18-collectivites_territoriales_et_services_publics.html]
[./respect_et_verite-19-greves_syndicats_et_fonctionnariat.html]
[./respect_et_verite-20-economie_entreprise.html]
[./respect_et_verite-21-retraite.html]
[./respect_et_verite-22-travail_et_chomage.html]
[./respect_et_verite-23-education.html]
[./respect_et_verite-24-sport.html]
[./respect_et_verite-25-immobilier_et_logement.html]
[./respect_et_verite-26-inflation_et_monnaie.html]
[./respect_et_verite-27-finance_bourse_et_speculation.html]
[./respect_et_verite-28-france_vs_europe_et_monde.html]
[./respect_et_verite-29-contribution_et_solidarite.html]
[./respect_et_verite-30-representation_nationale_et_territoriale.html]
[./respect_et_verite-31-president_vs_premier_ministre.html]
[./respect_et_verite-32-devise_et_hymne_national.html]
[./respect_et_verite-33-responsabilisation_et_mobilisation.html]
[./index.html]
[./respect_et_verite-le_livre.html]
[./idees.html]
[./blog.html]
[./action.html]
[./contact.html]
[./respect_et_verite-21-retraite.html]
[Web Creator] [LMSOFT]
 RESPECT ET VERITE
Ch.20: Economie, entreprise

20 : économie, entreprise

Quidam :
Bien des problèmes sociaux trouvent avant tout leur source dans les difficultés économiques. On peut critiquer beaucoup de choses, et débattre longtemps de valeurs et d'éthique, mais ne faudrait-il pas avant tout trouver un moyen de dynamiser concrètement l'économie du pays ?

PG :
Difficulté économique est quelque chose de très relatif. Et de nombreux pays nous considèrent nantis alors que nous nous considérons en difficulté parce que notre mode de vie est actuellement menacé. Notre principale difficulté n'est peut être pas si économique que ça. Mais admettons.
Alors concernant votre question, même si ça n'empêchera nullement des handicapés de la conscience de réclamer toujours plus, je vais vous répondre « certes ». Et dynamiser notre économie est même facile à faire. Le tout est de bien le faire pour cesser de déplacer les problèmes et, de mesures inadaptées en mesures inadaptées, créer toujours davantage de déséquilibres.
Les gouvernements tendent à être champions pour prendre de telles mesures de stimulation économique à court terme, obnubilés qu'ils sont par le besoin d'un effet immédiat pour tenter de se faire réélire. Ils jettent un pavé dans la marre et ça fait des vagues, ils sont contents. Ils en jettent un deuxième, puis un troisième, etc., jusqu'à ce que l'eau soit tellement agitée dans tous les sens qu'il devient impossible de distinguer les vagues générées par le dernier caillou lancé ni même d'anticiper les effets qu'il aura au regard des effets encore en cours des précédents. Par contre, et c'est un phénomène bien connu des marins au long cours, ces vagues peuvent parfois entrer en synchronisation, se renforcer et devenir un front d'eau, une vague tueuse, qui traverse l'océan par beau temps allant parfois jusqu'à renverser le cargo qui a la malchance de se trouver sur son passage. Basiquement, c'est simplement ça une crise économique. Et les politiciens se cachent derrière cette crise, alors que ce sont toutes leurs mesures tordues qui les favorisent en agitant l'économie plutôt qu'en lui laissant suivre tranquillement et plus régulièrement son cours naturel.
Les exemples sont légion. Dans les années 80, le gouvernement d'alors a voulu faire une relance de l'économie par la consommation, selon les principes keynésiens qui eurent leur heure de gloire au sortir de la crise de 1929. L'argent injecté sous forme d'augmentation d'allocations, de primes, de création d'emplois publics à l'utilité discutable, etc., a effectivement créé une augmentation de la consommation. Sauf que le monde avait changé depuis Keynes et l'entre-deux guerre. Et la demande n'a pas attendu que les capacités de production de nos entreprises soient en mesure de lui répondre. Les importations ont explosé, le déficit commercial aussi, les emplois ont été boostés à l'étranger plutôt qu'en France, et il n'y a pas eu le retour espéré en matière de recettes fiscales. Par contre le Franc a subi la pression de ce déséquilibre forçant le gouvernement à s'employer pour en maintenir la stabilité au sein du Système Monétaire Européen en vigueur à l'époque, et ce alors qu'il venait de se mettre en déficit et de s'endetter pour financer sa malencontreuse tentative de relance. Alors nos voisins se sont frottés les mains, et les français se sont appauvris. Il eût mieux valu ne rien faire.
Un autre exemple ? Prenez la prime à la casse mise en place à plusieurs reprises par divers gouvernements pour favoriser le marché automobile, et encore tout récemment en 2010. Qu'est-ce que ça apporte ? D'un côté, le renouvellement des véhicules pendant une période donnée est dopé, engendrant donc un pic de vente durant ce temps, mais un creux équivalent ensuite puisque les gens qui ont anticipé leur achat ne vont pas racheter ensuite. Quand on veut générer une vague, il ne faut jamais négliger que se forme derrière un creux correspondant au pic obtenu. Simplement parce que ce n'est que du mouvement d'eau. Non une augmentation du volume d'eau. De plus, qui est concerné par ces mesures sinon les gens ayant de très vieilles voitures ? Et forcément, ce sont des gens au pouvoir d'achat plutôt limité et qui vont donc acheter des voitures à bas prix où les marges sont faibles pour les constructeurs. La majeure partie de ces voitures n'est d'ailleurs même pas fabriquée en France, pour mieux en contenir le prix grâce à un coût de main d'œuvre moindre. Leur succès commercial n'y créé donc pas de travail. Alors quel est l'intérêt de cette mesure ? Personnellement, ça m'échappe. Pouvoir dire ensuite que la France possède le parc voiture le plus propre d'Europe ? Quelle niaiserie ! Tant mieux pour ceux qui peuvent en profiter pour renouveler à bon compte leur vieux véhicule, mais l'intérêt économique global, au regard de la chute des ventes qui s'ensuit, m'échappe. Là encore, il vaudrait mieux ne rien faire. Car cette demande éphémère ne créé rien de durable. Les usines prennent des intérimaires, forcent un peu les cadences, en profitent pour écouler les surplus éventuels de stock, et, comme il ne faut pas prendre les industriels pour des idiots, anticipent le creux qui va s'ensuivre. C'est d'ailleurs pourquoi sont créés au mieux des emplois précaires, mais certainement jamais des emplois durables.

Quidam :
Et les soldes ?

PG :
C'est encore pire. Les soldes incitent en plus au trafic de prix et à la mise en place de marchandises spécifiques à la période pour proposer de vraies fausses bonnes affaires, tout en débordant de surcroît sur des secteurs qui ne sont pas soumis à la saisonnalité des collections et ne devraient rien avoir à faire avec cette mesure. Elles ont été détournées de leur fonction première pour devenir un événement commercial très artificiel et à l'honnêteté trop souvent douteuse. C'est vraiment une pratique à supprimer. Non tant parce qu'elle dérègle la demande normale que parce qu'elle pourrit le commerce. Si les remises légales qu'il peut faire quand et comme il veut ne suffisent pas à le débarrasser de fins de collection encombrantes, le commerçant doit les vendre à des déstockeurs, habilités à traiter les ventes à perte, et qui trouveront à écouler les marchandises concernées par divers biais allant des magasins spécialisés déstockage, aux friperies de marché, en passant par l'exportation. Le problème des soldes est donc différent de ces mesures spécifiques que je pointe du doigt parce qu'elles dérèglent la demande et perturbent au final l'économie au lieu de l'améliorer.

Quidam :
Pourtant on entend régulièrement des commerçants se réjouir d'avoir fait de bonnes affaires pendant les soldes.

PG :
Oui. C'est signe qu'ils n'ont pas soldé. Les soldes, c'est fait pour autoriser la vente à perte, interdite en temps normal, des marchandises qu'ils n'arrivent pas à écouler pendant la saison régulière. S'ils vendent à perte, ils ne se réjouissent pas. S'ils se réjouissent, c'est qu'ils ont conservé de la marge. Soit parce qu'ils ont mis en place de fausses bonnes affaires ainsi que je vous le disais, ce qui est à combattre fermement, soit parce qu'ils sont restés dans la limite de leur marge, et donc à des niveaux de remise qu'ils peuvent faire comme ils veulent tout au long de l'année, et qui ne leur font donc rien vendre de plus qu'ils n'auraient vendu sans les soldes. Donc suppression des soldes. Au mieux elles ne servent à rien, au pire elles enfument les clients.

Quidam :
Alors ne faut-il donc rien faire pour aider l'économie ? Faut-il juste laisser faire ?

PG :
Clairement, plutôt que de faire des choses comme ça, il vaut effectivement mieux ne rien faire. Ce qui est important en économie, c'est ce qui est stable et progressif. Aucun constructeur automobile ne va construire une nouvelle usine simplement parce qu'un politicien a décidé d'essayer de booster pendant six mois et le marché et sa popularité. Mais il le fera s'il y a une perspective de demande durable sur plusieurs années, voire plusieurs décennies. L'entrepreneur a besoin d'un horizon à long terme. Ce qui lui importe donc, ce ne sont pas les mesurettes changeantes des gouvernements successifs mais un contexte social, fiscal et légal durablement favorable à son bon fonctionnement.

Quidam :
Et aussi un contexte économique, non ?

PG :
Même pas. Qu'est-ce que l'économie ? C'est la vie. Dès que quelqu'un échange une botte de poireau contre des patates, l'économie est déjà en marche. La mort de l'économie, ce serait si chacun fonctionnait en autosuffisance et n'échangeait avec ses voisins que des bonjours ou des insultes. Dès lors qu'il y a échange de biens et de services, l'économie vit. Alors compte tenu de la nature humaine et de son souhait de profiter des multiples bienfaits de l'existence qu'ils ne sauraient connaître en s'enfermant dans l'autosuffisance, laissez vivre les gens et l'économie vivra. Naturellement. Sans rien forcer. Offrez lui un cadre stable et elle trouvera son équilibre toute seule, avec de menues fluctuations selon le sens du vent, c'est-à-dire le moral global des gens. La vie fonctionne par cycles. Il y a des phases d'expansion, et d'autres de contraction. Il y a l'inspir et il y a l'expir. C'est la vie, c'est naturel, c'est doux. Il y a donc des creux naturels, mais rien qui soit comparable aux tempêtes que génère l'interventionnisme maladroit des gouvernements.

Quidam :
Alors quelle est votre recette pour favoriser l'essor économique ?

PG :
Eh bien tout simplement, comme je vous l'ai dit : laissez vivre les gens. Ce n'est pas plus compliqué que ça.
Regardez votre vie, regardez votre quotidien, et interrogez-vous sur tout ce qui constitue un frein à votre envie de faire des choses, de créer, d'entreprendre, de vivre. Vous trouverez de très nombreuses mesures qui répondent à cette définition. Mais en y réfléchissant bien, vous constaterez que vous pouvez déjà en regrouper de nombreuses sous un seul chapitre : la complexité administrative. Si vous êtes entrepreneur, vous voulez utiliser votre énergie à créer. Pas à démêler des dossiers administratifs, à remplir des déclarations, etc. Alors pour libérer les forces entrepreneuriales du pays, il y a urgence à simplement décomplexifier les relations des entreprises avec l'administration. Rendez les obligations administratives simples, et vous verrez que l'économie fera un bond spectaculaire. Simplement parce que vous lui aurez donné de l'air par rapport à ce poids administratif qui l'étouffe.

Quidam :
Mais ce bond ne serait que le temps d'une stabilisation à un niveau différent.

PG :
Bien sûr. Vous ne voulez tout de même pas une croissance exponentielle après tout ce que je vous ai dit sur la stérilité de cette course au toujours plus ? Le bon niveau de fonctionnement de l'économie s'établira naturellement lorsque les gens auront chacun trouvé leur juste niveau d'activité et d'expression. Le problème actuel, c'est que ce n'est pas le cas et que donc l'économie n'est pas au niveau adéquat pour la population existante.

Quidam :
Mais alors concrètement, c'est quoi alléger le poids administratif ? Les entreprises ne semblent pas si gênées que ça pour le gérer. En tout cas, ma comptable semble bien s'en accommoder.

PG :
Oubliez votre expérience d'éditeur et de manager pour vous projeter dans la peau d'un français de base, ouvrier par exemple. Imaginez que vous ayez un savoir-faire particulier, disons en poterie, et que vous souhaitiez vous installer comme artisan potier plutôt que continuer à bosser à l'usine. Mais se pose déjà la question de votre statut. Faut-il se constituer en société ou rester en nom propre ? Quelles incidences sur les cotisations sociales, fiscales ? Quelles obligations déclaratives ensuite ? Quel niveau de protection sociale selon le choix fait ? Déjà, rien que pour obtenir ces informations, il vous faudra voir plusieurs conseillers parmi les divers organismes d'aide à la création d'entreprise, recouper ce qu'ils vous disent, s'apercevoir qu'ils ne disent pas tous la même chose, chercher encore pour démêler leurs contradictions, et enfin commencer à avoir une idée précise de comment ça se présente. Déjà, là, vous commencez à vous dire que ça vous emm… et que vous voulez faire de la poterie pas de la paperasserie. Vous vous rendez finalement compte que vous allez devoir recourir à un cabinet d'expertise comptable pour vous suivre dans votre gestion et vous aider pour les diverses déclarations fiscales et sociales que vous aurez à faire tout au long de votre activité. Et que cela est loin d'être gratuit. Vous continuez à vous dire que ça vous emm… et que vous voulez faire de la poterie pour vivre de votre créativité artistique et non pour payer des gens à vous aider à gérer la complexité administrative.
Imaginons que vous sautiez le pas et vous lanciez dans votre activité. Et vous avez un bon karma alors ça marche au-delà de vos espérances. Vous n'arrivez plus à suivre la demande. Vous prenez un ouvrier. Déclarations sociales. Bulletin de paye. Et il n'est qu'à regarder un bulletin de paye français pour savoir que c'est loin d'être une partie de plaisir. Alors vous sous-traitez ça à votre cabinet comptable qui se réjouit de vous facturer ses services en la matière. Et votre affaire continue de se développer. Un importateur allemand adore vos motifs décoratifs et vous passe des commandes. Vous découvrez la DEB, la déclaration d'échange des biens entre pays de l'Union Européenne. Vous découvrez à quel point les fonctionnaires des douanes sont capables d'être tatillons dans leur codification des produits, sans qu'on comprenne bien pourquoi vu que de nombreuses personnes en finissent par utiliser les catégories « divers » pour se simplifier la vie.
Puis, retour de karma, l'importateur allemand décède d'une saucisse avalée de travers à la Oktober Fest de Munich. Panne de vos exportations. Votre employé commence à se tourner les pouces. Vous vous renseignez et vous comprenez que ça va vous coûter le scrotum de le licencier. Vous le faites néanmoins, faute de commandes pour pouvoir assumer son salaire. Il vous attaque aux prud'hommes sous des prétextes divers, et obtient un juteux complément d'indemnisation parce que cette juridiction trustée par les syndicats est par principe plutôt favorable aux salariés. Et alors là vous vous jurez bien que jamais au grand jamais vous n'embaucherez plus personne.
Le fils de votre importateur allemand, retardé dans son projet par la complexité bureaucratique allemande qui vaut largement la nôtre, finit par parvenir à reprendre l'affaire de son père. Il veut vous repasser des commandes. Il vous faudrait à nouveau embaucher pour les honorer. Mais, chat échaudé craignant l'eau froide, vous refusez. Et tant pis pour la création d'emploi, tant pis pour la balance commerciale du pays, tant pis pour la croissance économique. Vous en avez simplement ras-le-bol des emm…

Quidam :
Mais vous prenez là un exemple bien spécifique de micro-entreprise. La plupart des entreprises ont une taille suffisante pour avoir leurs propres comptables qui s'occupent de tout ça.

PG :
Alors imaginez que votre atelier de poterie se développe et que vous finissiez par embaucher votre propre comptable. Serez-vous content de constater qu'il passe une grosse partie de son temps à gérer la complexité administrative plutôt qu'à approfondir les données de gestion qui vous seraient nécessaires pour mieux conduire votre business ? Le problème est le même. Dans les deux cas, cela revient à détourner des forces créatrices et à les neutraliser pour que l'aventure entrepreneuriale devienne une course avec handicap.

Quidam :
Mais ne peut-on dire que cela créé aussi des emplois ? Plus de comptables, plus de fonctionnaires et de contrôleurs, grâce à ces obligations ?

PG :
Je l'attendais celle-là. Mais j'apprécie votre côté avocat du diable, car je le suis plus souvent qu'à mon tour aussi. Ca favorise le développement d'une réflexion plus approfondie.
Alors effectivement, faire et défaire, c'est toujours travailler comme l'a démontré Pénélope. Sauf qu'elle était reine et avait du monde pour la nourrir pendant qu'elle perdait son temps à faire patienter ses prétendants, attendant le retour hypothétique d'Ulysse. Son espoir fut récompensé, mais d'un point de vue social, ce n'est guère constructif. Si vous considérez que l'économie c'est simplement s'agiter, alors il n'y a aucun problème à trouver des choses inutiles à faire pour occuper les gens. Nul doute que l'on trouvera des Shadocks à nommer au ministère de l'occupation du temps libre. Mais alors il ne faudra pas s'étonner que cette agitation inutile ne soit pas créatrice de bonheur. L'économie est à son meilleur, non quand certaines statistiques semblent au top, mais quand le bien-être de chacun est optimisé, et qu'il se réalise dans l'expression de sa nature la plus accomplie. Encore une fois, l'économie, c'est la vie. Pas des statistiques. Celles-ci aident à percevoir ce qui se passe au niveau macro-économique, mais elles ne sont nullement garantes du bonheur individuel.
Si pour créer des emplois qui occupent les gens, il faut mettre en place des contrôleurs pour contrôler les contrôleurs, alors ne vous étonnez pas si les gens tentés d'exprimer leur esprit d'entreprise se découragent et laissent la société s'écrouler. Au contraire, si vous supprimez ces emplois de contrôle inutiles, ce qui ne veut pas dire tous, décomplexifier ne veut pas dire laisser faire n'importe quoi, vous libèrerez des forces vitales qui créeront bien plus d'emplois que ce que vous ne supprimerez. Au final le solde sera très positif.

Quidam :
Dans votre exemple du potier, vous présentiez la difficulté à licencier comme étant l'obstacle au recrutement. Mais faciliter les licenciements créerait surtout de la précarité.

PG :
Les Etats-Unis ont vécu longtemps avec un tel système où licencier est aussi facile qu'embaucher. Et les gens licenciés retrouvaient un autre emploi parce que leur économie florissante alors proche du plein emploi le permettait. Et ils faisaient de nouvelles expériences qui contribuaient à enrichir leur potentiel. Cette précarité socialement acceptée ne les empêchait pas d'avoir un crédit pour leur maison ou leur voiture. Mais il est vrai que les employeurs américains apprécient que leurs salariés aient eu des expériences diversifiées, alors que l'employeur français tend à s'en effrayer. Le problème qu'ont maintenant les américains, c'est qu'ils sont rattrapés par tous les déséquilibres qu'ils ont entretenus, non comme une grosse vague traversant une partie de l'océan, mais plutôt comme trois d'affilée, ces fameuses trois sœurs dont l'évocation fait frémir les capitaines au long cours.
Toujours est-il que ce que vous appelez précarité, je l'appelle fluidité. Ce que vous appelez stabilité, je l'appelle sclérose. Notre société est figée. Figée par la peur de perdre son emploi, par la peur de manquer, par la peur de devoir s'adapter à une situation nouvelle. A partir du moment où la société met en place un filet de sécurité qui vous garantit que vous ne manquerez pas du nécessaire vital, et à partir du moment où est mis en place une vraie politique de plein emploi, perdre son job n'est plus du tout une catastrophe. Ca bousculera les gens trop empoussiérés, mais pour leur plus grand bien. Peut-être certains se diront-ils que c'est le moment de se lancer dans leur propre aventure de création d'entreprise. Peut-être d'autres préfèreront reprendre un autre travail. Certains déménageront pour profiter d'opportunités et ouvrir leurs horizons, d'autres préfèreront rester là où ils sont parce qu'ils privilégient les rapports humains, amis, famille, voire s'apercevront alors qu'ils en sont dépendants et que ça les limite. Dans tous les cas, chacun aura l'occasion d'approfondir sa découverte de soi et de la vie. Il faut donc changer les mentalités et arrêter de se figer sur le premier truc venu en se privant du reste de ce que l'existence a à offrir.
Alors oui, il faut simplifier les licenciements. Si un patron ne veut plus de vous, que ce soit parce qu'il manque de travail pour vous employer ou que ce soit parce qu'un conflit s'est développé entre vous, au nom de quoi doit-on l'empêcher de mettre fin à votre contrat de travail ? C'est son entreprise, ou celle des actionnaires qu'il représente. Pas la vôtre. Si vous n'êtes pas content, créez votre propre entreprise. Si vous ne pouvez pas, ou ne savez pas, alors acceptez que celui qui a osé et s'est donné la peine de le faire ait en retour la liberté de gérer la sienne comme il l'entend. Et cherchez-en une autre où travailler. A chaque fois que la loi se met en travers d'un licenciement, j'ai le sentiment que l'entrepreneur se fait voler sa liberté de gérer ce qu'il a créé. S'il n'y a pas assez de travail pour justifier votre poste, il est normal qu'il soit supprimé. L'employeur ne vous « doit pas » un emploi. Accepteriez-vous que n'importe qui puisse taper à votre porte en exigeant que vous l'embauchiez, qui comme jardinier, qui comme personnel de maison, alors que vous n'en avez aucun besoin, sans même parler des moyens ?

Quidam :
Non, évidemment. Je n'avais pas envisagé les choses sous cet angle.

PG :
Eh bien la réciproque est toute aussi vraie : vous ne pouvez pas opposer à votre employeur un utopique droit à l'emploi si vous-même n'acceptez pas d'en devoir un au premier venu. Les entreprises n'ont pas vocation à prendre en charge la solidarité nationale en lieu et place de la société publique. Sauf à leur accorder des remises d'impôts correspondantes, ce qui deviendrait vite ingérable. Alors s'il n'a plus besoin de vous, acceptez d'allez voir ailleurs. Si au contraire, il y a toujours une charge de travail justifiant ce poste mais que c'est vous qui ne satisfaites plus votre patron et qu'il veut vous remplacer, eh bien c'est un autre qui aura sa chance. Et se battre avec syndicats et avocats aux prud'hommes pour faire valoir divers arguments cherchant soit à imposer votre présence, soit à ce que la réduction d'effectif touche quelqu'un d'autre plutôt que vous, soit encore à engranger une indemnité de licenciement maximisée, est très contreproductif collectivement car ça dissuade fortement d'embaucher. Dans un système de plein emploi avec un filet de solidarité vous garantissant la possibilité de rebondir, affirmer cette liberté tant de l'entrepreneur que du salarié n'a absolument rien de choquant même si ça bouscule nos habitudes culturelles. C'est au contraire responsabilisant pour chacun.
Alors dites-moi : si se lancer comme entrepreneur devient très simple, si embaucher et licencier devient aussi simple, si gérer du personnel et établir leurs fiches de paye devient à la portée de tout le monde sans besoin d'enrichir des cabinets spécialisés, croyez-vous que les postulants à la création d'entreprise hésiteront encore longtemps à se lancer ? Croyez-vous que les entreprises existantes hésiteront encore à embaucher ? Croyez-vous qu'elles seront toujours aussi tentées de délocaliser ? Croyez-vous que les groupes étrangers seront toujours aussi réticents à s'implanter en France ? Croyez-vous que tout ça ne représente pas une dynamisation forte et naturelle de notre économie ? Il y a tout à gagner tant collectivement qu'individuellement. Il suffit de le faire. Les mentalités suivront et évolueront en conséquence vers la fluidité au lieu de rester recroquevillées dans la peur.

Quidam :
Il y a quand même des patrons qui sont de vraies enflures, du genre à licencier sur un coup de tête celui qui a les mains moites en lui disant bonjour le matin. On ne peut tout de même pas laisser faire n'importe quoi non plus.

PG :
Je n'envisageais pas la question de la simple mauvaise humeur du patron comme motif légitime de licenciement, mais réfléchissons-y un instant car effectivement, ce genre d'individu existe, j'ai eu l'occasion d'en rencontrer au cours de ma carrière.
Pourquoi voudriez-vous travailler pour un « enfoiré », ainsi que vous le dites, qui voudrait vous licencier pour un prétexte aussi fallacieux que des mains moites ? Pourquoi voudriez-vous continuer à contribuer à son succès ?

Quidam :
Parce qu'il est utile d'avoir son salaire à la fin du mois pour nourrir sa famille et payer les factures.

PG :
Voilà. Votre réponse dit que vous n'avez pas intégré les autres paramètres du problème et réagissez toujours en fonction des conditionnements actuels. Vous n'avez pas intégré que je vous parle d'une situation de plein emploi où retrouver un travail est facile. Ni que perdre son emploi ne signifie pas pour autant se retrouver à la rue, même si ça peut entraîner de devoir déménager.
Dès lors, pourquoi s'accrocher à un boulot où vous n'êtes pas apprécié ? Pour psychosomatiser et développer un cancer ? Ou finir par vous jeter par la fenêtre ? Alors que vous pourriez simplement en chercher un autre où vous seriez mieux reconnu et qui vous apporterait bien plus de satisfaction. N'est-il pas toujours préférable de quitter un travail qui ne nous convient pas et se donner au moins une chance de trouver mieux que de se défenestrer ? Quand vous en êtes là, vous n'avez rien à perdre à au moins vous donner une chance de changer. Car si vous vous accrochez à une situation qui nie votre besoin de valorisation, comment espérer arriver un jour à satisfaire votre besoin de réalisation ? Comment espérer jamais atteindre ce bonheur auquel vous aspirez ?
Il ne faut pas perdre de vue que tout patron sensé sait que du bon personnel, ça vaut de l'or. Et qu'il faut se donner les moyens de le garder quand on en a. Ce raisonnement qui vaut déjà par les temps qui courent n'en sera qu'encore plus vrai en situation de rareté de personnes en recherche d'emploi. Alors si votre patron veut se débarrasser de vous pour cause de mains moites, soit ce n'est pas un patron respectable et ça ne vaut pas la peine de s'accrocher à ce poste, soit c'est vous qui n'êtes pas à la hauteur de ce que vous pensez pour votre fonction et ce prétexte bénin n'est que le déclencheur d'une décision qui mûrissait de toute façon. Et alors, ainsi que je le disais, c'est un autre qui s'essaiera à mieux remplir ce poste, tandis que vous, vous vous essaierez à autre chose ailleurs. Chacun doit trouver sa place. Si vous n'êtes pas reconnu dans un emploi, c'est probablement simplement que ce n'est pas votre juste place. Ou que ça ne l'est plus et que la vie vous invite à passer un cap d'évolution et faire de nouvelles expériences.

Quidam :
Il y a un côté assez fataliste dans votre discours. Je suis pour ma part habitué à une démarche plus volontaire pour diriger ma vie. On attribue à Sénèque d'avoir dit : « il n'y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ».

PG :
Oui, les cabinets de recrutement aiment bien afficher ce dicton pour faire sentir aux candidats que celui qui ne sait pas expliquer son parcours de façon volontaire est un nul. Mais que faites-vous en attendant que le vent soit favorable à vos projets ? Vous restez au port ? Ca peut durer très longtemps.
Pour ma part, j'ai une autre philosophie de l'existence. On pourrait la résumer à « tous les vents sont favorables pour qui va où le vent le mène ». Si le vent ne souffle pas dans la bonne direction pour aller où je pensais, je m'adapte. La vie est fluidité. Si vous vous braquez contre le vent, vous ne gagnerez de toute façon pas et n'en obtiendrez que de la frustration. Mais il appartient à chacun de vivre ses expériences. Et certains œuvrent à développer leur fluidité comme d'autres travaillent leur volonté. Dans une optique plus spirituelle, on peut aussi dire que c'est un peu le débat entre celui qui profite de sa liberté pour poursuivre ses buts personnels, et celui qui l'utilise pour y renoncer et se mettre au service d'un dessein supérieur au sien, qu'il ne maîtrise pas mais auquel il collabore en se laissant guider par les événements et l'inspiration.
Alors je ne vais pas encourager les patrons à se laisser aller à leurs humeurs, mais, si c'est le cas, est-il vraiment constructif humainement de chercher à s'y opposer ? Quand le vent change, je recommande de s'adapter. Ca permet de découvrir de multiples expériences, auxquelles vous n'auriez peut-être jamais pensé par vous- mêmes, ce qui les rend d'autant plus enrichissantes. C'est là toutes les limites de la volonté : elle ne peut vous mener qu'à ce que vous connaissez. Mais si vous préférez vous arc-bouter pour résister, libre à vous. Ne vous étonnez pas, par contre, si une bourrasque plus marquée vous fait subir un jour le sort du chêne de la fable de La Fontaine. Ce qui est d'ailleurs aussi une expérience de vie riche d'enseignements, en dépit des désagréments.
Encore une fois, la société doit s'organiser pour vous libérer de la peur, et favoriser le développement d'une certaine confiance en la vie, en votre vie. Cela inclut se libérer de la peur de perdre son emploi et de se retrouver dans le besoin. En stimulant une situation de plein emploi, le rapport de force entre l'offre et la demande de travail s'équilibrera naturellement. Le salarié compétent ne sera plus demandeur d'emploi mais offreur de services. On a connu cette situation durant les trente glorieuses du fait de la croissance soutenue de cette époque de reconstruction, mais il est tout à fait possible de retrouver une situation similaire sans croissance.

Quidam :
Admettons. Mais il n'y a pas que le licenciement express qui puisse être abusif. Et parfois, ce n'est pas tant pour sauvegarder leur emploi que les salariés se battent, mais pour simplement préserver la présence d'emplois sur le sol français, que ce soit pour eux ou pour un autre ainsi que vous le disiez. Quand tout le monde est licencié parce que l'usine ferme pour cause de délocalisation sauvage, là, votre logique de libéraliser les licenciements tourne court. Vous leur facilitez la tâche.

PG :
Je n'ai pas constaté que les barrières au licenciement de la législation actuelle se soient montrées d'une quelconque utilité à ce niveau-là. La preuve : vous m'en parlez ! C'est bien que le problème existe déjà.
Pourtant, il y a deux axes, complémentaires l'un de l'autre, qui offrent une parade possible. Le premier est évidemment de reprendre le contrôle de son espace économique pour permettre d'en réguler les barrières nécessaires au rétablissement d'une juste concurrence avec des pays à coût de main d'œuvre sans aucune comparaison avec le nôtre. Un gouvernement soucieux de défendre les intérêts de sa population ne peut accepter le nivellement par le bas que génère le libre commerce à la sauce OMC au niveau mondial. Evidemment, assurer une concurrence équitable entre les unités de production françaises et celles implantées à l'étranger ne vaut que pour les biens destinés au marché national. Pour une production destinée à des marchés extérieurs, il n'y a pas grand-chose à faire. Et il n'est de toute façon pas défendable moralement d'essayer de se préserver au-delà des limites géographiques de notre société.
Ce type de mesure protectionniste fonctionnera d'autant mieux qu'elle concernera un marché étendu dont elle assurera une cohérence durable. Idéalement donc, elle sera plus efficace au niveau de l'Espace Economique Européen, et sous réserve que l'Europe se donne les moyens de gommer très rapidement les différences de protection sociale et de fiscalité qui induisent de vrais biais de compétitivité entre des pays de l'Union aux niveaux de vie encore très disparates. Car là non plus, un nivellement par le bas n'est pas acceptable et requiert le recours au principe de subsidiarité pour préserver l'économie française à un niveau de pouvoir d'achat apte à pérenniser notre société, ses principes et ses valeurs.

Quidam :
Les coûts de main d'œuvre d'un pays à l'autre de l'Europe sont encore très loin d'être comparables. Votre mesure de préservation demanderait donc des barrières à la libre circulation des biens au sein même de l'Union, ce qui est contraire aux traités sur lesquels elle est fondée.

PG :
Aucun traité n'est intouchable. Particulièrement lorsqu'il est mal conçu et devient une source de problème. Il y aura matière à bousculer un peu les choses à ce niveau. Mais du moment que c'est fait dans le respect de tous et pour le bien commun, le message doit pouvoir être acceptable pour nos partenaires. D'autant qu'ils connaissent, pour plusieurs d'entre eux, des problématiques parfaitement comparables.

Quidam :
Ca peut amener pas mal de complications dans les relations avec l'Europe, mais nous en reparlerons. Dans l'immédiat, quel est le deuxième axe que vous envisagez contre les délocalisations sauvages ?

PG :
Tout simplement la responsabilisation. Vous qui me disiez préférer les approches volontaristes, ça devrait vous plaire.
Les salariés en lutte contre une délocalisation de leur usine contestent souvent les allégations des directions selon lesquelles leur unité de production ne serait pas, ou pas assez, rentable. Alors qu'ils le prouvent. Qu'ils reprennent l'exploitation de l'unité par eux- mêmes et montrent ce qu'ils savent faire. A eux de négocier avec le groupe les conditions de fourniture des produits qu'ils fabriquent. Si elles sont intéressantes, le groupe continuera certainement de leur donner du travail comme sous-traitant. Si ce n'est pas le cas, cette reprise d'entreprise par ses salariés devra trouver ses propres marchés pour vivre comme une entreprise autonome. Et si elle n'y arrive pas, alors elle disparaîtra ainsi que l'avait prévu le précédent propriétaire, lui donnant alors raison. C'est ça que j'appelle la responsabilisation. Vous n'êtes pas d'accord ? OK, mais ayez le courage d'assumer votre désaccord dans les faits. Car bien évidemment, un tel droit de préemption des salariés sur leur entreprise en cas de fermeture ne se fera pas gratuitement. Il ne s'agit pas de légaliser un vol. Il faudra que les salariés trouvent à financer leur rachat, donc se cotisent ou convainquent des partenaires financiers. Facile de critiquer les capitalistes et de contester leur décision tout en refusant d'assumer leur responsabilité. Facile de leur dire ce qu'ils devraient faire de leur argent. Mais là, ce ne sera plus le cas. Pas de juteuses primes de licenciement, mais la possibilité, si on y croit, de s'organiser pour conserver son emploi et démontrer aux vilains capitalistes que vous pouvez faire leur métier d'une façon qui vous convienne mieux à vous.
Pour éviter toute contestation ou marchandage, un tel rachat doit se baser simplement sur la valeur nette comptable de l'entreprise, ou, s'il s'agit d'un simple établissement, sur celle des actifs concernés. Une VNC inférieure à la valeur vénale signifiera que l'entreprise a bénéficié d'un avantage fiscal dans le passé en amortissant ou en provisionnant de trop, ce qui aura donc compensé par avance le prix avantageux dont bénéficient les salariés pour cette reprise. L'inverse, qu'elle s'est désavantagée fiscalement, mais qu'en résulte une valeur de préemption moins attractive.
Si les salariés estiment que la valeur de rachat n'est pas intéressante ou ne parviennent pas à mobiliser le financement nécessaire, l'Etat doit alors disposer d'un droit de préemption de second rang, à titre stratégique, et dans les mêmes conditions que pour une reprise par les salariés. Mais si aucun des deux ne préempte, alors le groupe peut effectivement fermer son unité, licencier tout le monde et en déménager les machines et stocks où bon lui semble. Evidemment, dans ce cas, il lui faudra rembourser les aides à l'implantation ou pour l'emploi qu'il aura éventuellement reçues pour l'unité concernée. Mais je suis suffisamment minimaliste sur ce type de stimulation de l'emploi si bien que ce problème là ne se posera plus. Le ratio du montant distribué par emploi créé ne démontre que trop le manque d'efficacité de ce genre de dilapidation des finances publiques. Une entreprise se construit sur des débouchés économiques, pas sur une chasse aux subventions.

Quidam :
L'idée n'est pas inintéressante. Par contre, il resterait le problème des déménagements sauvages de nuit ou pendant le week-end, pour tenter d'échapper à ces mesures de préemption de l'actif.

PG :
Il restera toujours le problème de ceux qui cherchent à échapper aux règles communes. C'est pour ça qu'il y a une police et des tribunaux. Si ce déménagement reste au sein du pays, le problème se résoudra. Si les machines et les stocks passent les frontières sans qu'on le sache, c'est que nous sommes très mal organisés et ne pourrons nous en prendre qu'à nous-mêmes. Je vous ai déjà parlé de la nécessité de reprendre le contrôle de nos frontières pour les personnes, et aussi pour les marchandises. Alors si des machines les passent illégalement, c'est qu'il faut urgemment penser à embaucher de nouveaux douaniers et améliorer les procédures de contrôle.
Par contre, plus probable, sera la tentation de réduire progressivement la production de l'unité concernée pour que la fermeture le moment venu ne concerne presque plus rien. Mais là aussi, la sortie du territoire de matériel de production en provenance d'une unité peut facilement se contrôler et se bloquer si la justification semble fallacieuse.
Bien sûr, c'est le genre de mesure qui tendra à effrayer certains investisseurs étrangers. Mais s'ils sont convaincus de la bonne volonté et de la droiture des autorités et qu'ils sont pareillement disposés, ça ne les arrêtera nullement dans leur projet de s'implanter dans notre pays. Les magouilleurs par contre hésiteront. Mais ceux-là ne nous manqueront pas.

Quidam :
C'est vrai.
Et si le problème de l'employé n'est pas une question de licenciement ? Assez fréquemment, il y a diverses pressions, voire un harcèlement moral, pour pousser les salariés à en faire toujours plus, parfois dans des conditions d'hygiène et de sécurité pas forcément recommandables...

PG :
Attention, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Simplifier ne veut pas dire donner liberté à l'employeur d'imposer tout et n'importe quoi à ses salariés. Je parle de simplifier la lourdeur administrative et la législation contreproductive en matière de licenciement parce qu'elle dissuade d'embaucher. Ce n'est même pas supprimer les préavis ni les indemnités légales de rupture de contrat. Alors c'est encore moins supprimer le droit du travail dans son ensemble.
Mais même avec le droit du travail actuel, qui pourtant s'efforce de bien protéger les salariés, il y a des patrons imbuvables et des conditions abusives. Que dire sinon qu'il y a un moment où on ne peut défendre les salariés à leur place ? La législation leur donne les outils nécessaires pour ne pas se faire manger, mais s'ils ne les utilisent pas, il n'y aura guère de solution. Ils ont le code du travail, les représentants du personnel, l'inspection du travail, les prud'hommes. On peut même y rajouter les syndicats, car c'est précisément là qu'est leur utilité, même si je la subordonne à la fonction de représentation du personnel. Tout ce que la société peut faire, c'est inciter les gens à se départir de la peur qui les immobilise. Qu'ils cessent d'avoir peur de perdre leur emploi s'ils protestent, et ils se feront naturellement bien plus facilement respecter de leurs employeurs. C'est aux salariés de refuser ce qui leur apparaît anormal. Si le patron n'est pas content, il les vire, à moins que les salariés n'aient décidé de partir d'eux-mêmes. En supprimant le jeu du jackpot des primes exceptionnelles de licenciement ou des transactions, on mettra également fin à ces calculs profondément malsains de salariés qui veulent partir mais préfèrent attendre de se faire virer pour toucher plus, voire font ce qu'il faut pour être désagréables jusqu'à ce qu'ils obtiennent le licenciement attendu.
Si le salarié n'est pas satisfait de son travail ou des conditions de celui-ci, il doit avoir le droit de quitter l'employeur avec la même simplicité et les mêmes droits que si l'employeur décidait de le licencier, à l'exception des primes légales de licenciement bien entendu, mais qui ne sont guère élevées. Donc avec droit aux bénéfices de la solidarité sociale, qu'on l'appelle allocation chômage ou autrement. Et si ce patron est vraiment trop pénible, sa réputation prendra de l'ampleur et personne ne voudra plus travailler pour lui. Il aura alors le choix de mettre la clé sous la porte ou de se remettre en question. Si par contre c'est le salarié qui a besoin de mettre de l'eau dans son vin, il se retrouvera rapidement confronté à la situation où se faire embaucher deviendra très compliqué et il aura alors lui aussi à choisir entre se remettre en question ou se débrouiller par lui-même pour faire autre chose. La liberté de se séparer doit aller dans les deux sens. Quand chacun sait que l'autre a la liberté de partir si ça se passe mal, chacun est davantage enclin à faire les efforts humains nécessaires pour que les relations soient satisfaisantes. Il ne faut jamais oublier qu'une entreprise est avant tout une aventure humaine.

Quidam :
C'est une façon assez différente d'envisager les relations au travail. Ce n'est pas l'habitude qu'on en a depuis ces dernières décennies en France.

PG :
C'est pourtant assez proche de ce qui a existé pendant les trente glorieuses où celui qui perdait son emploi le matin en avait trouvé un autre le soir. Mais c'est surtout l'affirmation de la liberté et de la responsabilité des individus, quel que soit le côté où il se trouve : employeur comme employé. Ce n'est finalement qu'une vision humaine des relations entre les individus. Il faut cesser de raisonner comme au Moyen-âge. La position hiérarchique n'est qu'une fonction sociale, pas l'affirmation d'une supériorité quelconque. Il n'y a plus ni seigneurs ni serfs. Chacun a son rôle à son niveau et le patron n'est ni plus ni moins respectable que l'employé. Il faut donc faire un peu évoluer les mentalités et la législation en ce sens.
D'ailleurs, à propos d'évolution législative, et dans la droite ligne de la lutte contre les privilèges, je suis gêné par la multiplicité des conventions collectives qui accordent des avantages aux uns mais pas aux autres, selon la branche professionnelle dont vous dépendez, voire selon que vous êtes cadre, agent de maîtrise, technicien, employé, etc. Ce qui est justifié doit être intégré au code du travail, le reste doit disparaître. Comment estomper les castes corporatistes sans abolir ce type de privilèges sectoriels ?

Quidam :
C'est un nivellement que vous prônez. Certaines dispositions spécifiques à certaines professions sont pourtant parfois justifiées.

PG :
Pas un nivellement mais une équité. Et parfois effectivement, certaines dispositions sont justifiées. Mais raison de plus pour les intégrer au code du travail. Ce sont les députés qui font la loi. Pas des accords entre des syndicats divers. Lorsqu'ils identifient une lacune législative, qu'ils jouent leur rôle de lanceur d'alerte, proposent des solutions, mais laissent ensuite au pouvoir législatif le soin d'édicter les lois.
Par exemple, il y a un domaine où je trouve que la législation fait défaut et dont les syndicats auraient pu se saisir s'ils étaient moins clientélistes : la recherche d'emploi. Prenez le cas du processus de recrutement. Une annonce parait, la candidature est envoyée, ce qui se fait de plus en plus par e-mail. Et boum, vous recevez en retour un lien vers le site du recruteur où il vous fait saisir dans sa base de données tout un tas d'informations déjà présentes sur le CV que vous avez envoyé. Ca agace. Alors qu'il leur suffit de lire votre CV. Et vous pouvez passer beaucoup de temps à faire ce type de secrétariat inutile. Si vous souhaitez contourner le problème en envoyant votre candidature par la poste, ce qui est plus long et plus coûteux, alors mieux vaut faire une croix sur tout un ensemble d'emplois pour lesquels le fait de ne pas avoir d'accès à Internet est considéré, bien que ça ne se dise pas, comme un critère rédhibitoire.
Je pense judicieux, dans une société désireuse de favoriser l'accès au travail, que ce grand fichier central dont nous avons déjà parlé et dont j'appelle la création soit doté d'un chapitre emploi qui remplace, en les excluant, toutes les bases de données des divers recruteurs, cabinets, administrations ou entreprises. Toute personne en recherche d'emploi, qu'elle soit en poste ou pas d'ailleurs, y active son profil de candidat et complète toutes les informations nécessaires une fois pour toute, dont certaines, comme l'état civil et l'historique des employeurs, peuvent d'ailleurs être recoupées avec le reste du fichier pour en garantir la véracité. Le candidat peut alors faire acte de candidature avec son CV et sa lettre de motivation, sans plus avoir à remplir son profil sur chaque site spécifique de chaque recruteur, à qui il ne fournit plus que son matricule national permettant d'accéder à son profil centralisé. En contrepartie, le recruteur dispose d'une base plus exhaustive que la sienne pour faire de la recherche spontanée parmi les personnes au profil actif, donc ouvertes à proposition, tout en ayant davantage de fiabilité quant aux informations de bases sans besoins de réclamer divers certificats de travail très facilement falsifiables. A charge ensuite pour les recruteurs de gérer par leurs propres soins leur propre base complémentaire en correspondance avec ce fichier central, par exemple pour y inscrire le résultat d'entretiens divers. Et si ce fichier est bien fait, et il n'est pas bien compliqué quand même de faire la synthèse de ce qui se fait de mieux dans les divers sites de recherche actuels, toutes les annonces convergeront naturellement vers ce support pour plus d'efficacité des recrutements et des recherches d'emploi.

Quidam :
Je soupçonne que vous ne pensiez pas du tout vous inspirer du site actuel de Pôle Emploi ?

PG :
Mon dieu, non. A quoi ont-ils pensé en faisant ce site, on se le demande !
Mais poursuivons maintenant avec la phase suivante d'un recrutement. Le candidat envoie sa candidature. Le recruteur la trouve intéressante et le fait venir en entretien. Puis peut-être une deuxième fois avec quelqu'un d'autre, voire une troisième fois. Lorsqu'il s'agit d'un recrutement local, ça ne pose guère de problème. Mais lorsque les candidats viennent d'un peu partout dans le pays, ce n'est pas pareil. L'usage veut que le premier entretien soit à la charge du candidat, au motif que c'est lui qui demande à être reçu, mais que les suivants soient à la charge de l'entreprise au motif que c'est alors elle qui est demandeuse de l'entrevue. Mais ce n'est qu'un usage. Et tous les cas sont possibles en la matière. De l'entreprise qui prend en charge le coût de déplacement dès le premier rendez-vous à celle qui vous en colle trois sans rien prendre en charge. Il y a aussi le cas du candidat qui traverse la France à la demande d'un cabinet de recrutement pour se faire dire à l'arrivée que le poste est déjà pourvu mais que le consultant souhaitait quand même le voir pour d'éventuelles futures opportunités. Parfois ces futures opportunités sont bien réelles, parfois non. Mais traverser le pays à ses frais pour si peu, ça énerve sérieusement. En Allemagne, l'entreprise a obligation de prendre en charge le coût du déplacement dès le premier entretien. Et ça a du sens. Tout comme a du sens l'argument selon lequel, sur un dossier de candidature, le candidat peut bluffer pour se faire convoquer et que c'est alors un coup pour rien pour l'entreprise. Les abus peuvent aller dans les deux directions. Ce qui explique qu'un dossier de candidature en Allemagne requiert de joindre copies de tous ses diplômes et certificats de travail afin d'éviter ce genre de bluff. Ce problème disparaîtra évidemment avec notre fichier central validant le parcours du candidat, non en termes de contenu de poste, mais du moins en termes de réalité de ceux-ci, des employeurs et des périodes d'emploi.
Alors le juste compromis me semble être de rendre obligatoire pour l'entreprise de prendre en charge la moitié du coût du premier déplacement et la totalité des éventuels suivants. Bien sûr, je parle des coûts normaux, pas de la lubie de se déplacer en avion ou en voiture de location alors que le train dessert la destination.

Quidam :
Voilà qui risque de défavoriser les candidats lointains par rapport aux candidats plus proches.

PG :
Si c'est le cas, les candidats locaux cherchant de préférence dans leur région s'en réjouiront. Mais je ne crois pas que ça importe vraiment lorsque vient le moment de choisir le meilleur candidat, ce qui est bien le souci des entreprises. Par contre, vous verrez les recruteurs, notamment les cabinets, changer leurs méthodes pour développer davantage les entretiens téléphoniques ou par webcam avant de faire déplacer un postulant. Il est assez lamentable de constater à quel point ils sont réfractaires à profiter des nouvelles technologies de communication. L'entretien physique me semble indispensable à un moment donné, mais pour un premier rendez- vous d'un processus de recrutement qui en prévoit plusieurs, comme c'est courant pour des postes comportant des responsabilités, il me semble très superflu. Et à l'heure où la mode est au bilan carbone des déplacements, les écologistes ne pourront qu'appuyer cette mesure.

Quidam :
Et quid de ces sujets récurrents sur les discriminations en tout genre, les questions raciales, l'âge, etc. Pour une embauche par exemple, pensez-vous qu'il faut imposer une procédure de recrutement à base de CV anonyme, sans âge ni photo ?

PG :
Ma position est assez simple sur ce point et vous devez la pressentir en fonction de ce que j'ai déjà dit. Si un patron ne veut pas de vous, je trouve très contreproductif de chercher à vous imposer à lui. Un CV sans photo pour masquer la couleur de peau ? Vous préférez vous déplacer, avec le coût afférent à votre charge, avant que le recruteur ne s'en rende compte et que le résultat ne soit le même que s'il y avait eu une photo ? Ridicule ! Et puis quand vous avez à choisir entre plusieurs candidats, seul un recruteur très imbécile dira clairement que telle personne a été écartée pour sa couleur de peau. Idem pour ce qui est de masquer votre âge ou un nom de famille trop marqué géographiquement. Aucune mesure de ce type ne résoudra ce genre de discrimination. Seule l'évolution des consciences apportera une solution. Et bien sûr le plein emploi qui réduira l'embarras du choix du recruteur et favorisera l'intégration de tous. Désolé pour la Halde et autres organismes de lutte contre les discriminations, mais ils ne servent pas à grand chose. Voire ils deviennent carrément contreproductifs lorsqu'ils cherchent à imposer une discrimination positive… alors précisément qu'ils sont là pour lutter contre toute discrimination. Mais ils voient malheureusement leur mission à sens unique, et ne perçoivent pas non plus à quel point ce type de mesure est dévalorisant pour les personnes qui en bénéficient et qui ne sont plus considérées pour leur compétence, mais traitées comme des handicapés recrutés par obligation de quota. Non, c'est vraiment nul comme principe. La solution ne viendra que de l'intégration et de l'évolution des mentalités.
En France, il est interdit de tenir des fichiers comportant des références aux caractéristiques raciales ou d'origine géographique. En Angleterre, au contraire, ils cultivent cette diversité et en sont fiers tant ils sont conscients de s'enrichir mutuellement de ces différences. Alors cessons de jouer à l'autruche. Que les racistes restent avec leurs idées étroites, en attendant que ça leur passe. Et occupons-nous plutôt de favoriser l'intégration naturelle.

Quidam :
Inutile de vous interpeller sur la parité, je suppose que vous aller tenir le même discours que pour la discrimination positive. Par contre, pour la différence de rémunération entre hommes et femmes. C'est un problème différent. Comment résoudre ce problème ?

PG :
Pourquoi faudrait-il le résoudre à la place des femmes ? Il appartient à chaque femme de justifier de sa valeur au travail, tout comme chaque homme doit le faire également. Si une femme se trouve insuffisamment valorisée dans un emploi, alors qu'elle le prouve en trouvant un autre emploi mieux payé ou en créant sa propre activité professionnelle. Et si elle a accepté tel poste et tel salaire au départ, elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même.
Il est une loi en économie qui stipule que « un bien n'a de valeur que ce que quelqu'un est prêt à en offrir ». En résumé, pas d'acheteur, pas de valeur. Si personne ne vous propose un meilleur emploi, c'est que vous ne valez pas autant aux yeux d'autrui que ce que vous imaginez. Mais il est clair que, là encore, une politique de plein emploi est un facteur fondamental pour faire évoluer les choses, tout comme les guerres mondiales en leur temps ont contribué à émanciper les femmes en leur faisant reprendre les rôles sociaux et professionnels des hommes partis au front. Et nous verrons bien dans le futur si, en tant que société, nous avons acquis la capacité à évoluer de notre propre volonté plutôt que sous le coup de guerres et autres situations de chaos.

Quidam :
Globalement, ce que vous évoquez à l'air plutôt plaisant à entendre, mais vous y mettez beaucoup de conditions qui ne sont pas actuellement réunies, à commencer par le plein emploi.

PG :
La vie d'une société est un tout. Aucune mesure, prise isolément, n'a la capacité à changer grand-chose. C'est l'ensemble des mesures qu'il faut considérer pour permettre la solution à un problème donné. C'est une remise à plat globale qu'il faut effectuer. Et sans avoir peur de se confronter aux sujets considérés comme sensibles, parce que souvent, ils sont primordiaux. Ce qui est d'ailleurs ce qui les rend sensibles.
Ainsi en va-t-il de cette question du plein emploi qui n'est pas de celles qui se résolvent en une phrase. Elle implique d'aborder encore plusieurs sujets dont nous n'avons pas encore discutés : l'organisation du travail, le traitement du chômage, les retraites, la monnaie au niveau national et international, bref, le reste de la vie sociétale en général. Alors par quoi voulez-vous continuer ?


Continuez avec le chapitre 21